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Une voiture puissante, 1966


Getty Images

 

— La Fiat 500 est la voiture la plus puissante de toute l’Italie. Moi je ne crois pas aux autres moyens de transport. Je ne crois plus en rien, mais qu’en elle. Tu comprends chérie ? Je suis italien et je n’achète qu’italien. Personne n’égalera jamais les performances de la Fiat 500. Ce voyage que je t’offre jusqu’à Naples est unique, c’est du jamais vu et tu ne cesses de grogner !

         — Je ne grogne pas mon amour, j’ai hâte d’arriver à Naples et de déguster une bonne calzone avec toi à la pizzeria Da Michele. Cette voiture n’avance pas, il serait temps de la changer. Un coup, c’est l’huile ! Un autre coup, ce sont les bougies, puis c’est le moteur ! Mais je n’y comprends plus rien. Tu dois l’emmener chez le garagiste toutes les deux semaines.

          — Mais bien sûr chérie, une voiture, ça s’entretient, un point c’est tout ! Entretien, entretien ! Cela fait plus de quinze ans que nous avons ce bijou ! Et je ne compte pas m’en débarrasser de sitôt ! Tu comprends chérie ?

         — Au prix auquel tu payes l’entretien de cette voiture, tu aurais pu t’offrir la plus belle Lamborghini tout droit sortie de l’usine. Chaque pièce de rechange te coûte un rein, sans compter les frais de main d’œuvre du garagiste.

         — Le garagiste est un homme merveilleux ! Renato m’offre toujours un expresso quand je lui amène la Fiat 500. Il n’a jamais triché sur les factures, c’est un homme honnête ! Pas comme ton boucher qui te vend de la viande avariée !

        — Quoi ! Le boucher m’a toujours sélectionné les tranches de jambon de Parme les plus fumées et les plus salées.

        — Moi, je vais te montrer le vrai jambon de Parme à Naples. Et je ne vendrais jamais cette voiture même contre une Ferrari ! Oublie, chérie ! Je ne suis pas cinglé enfin ! Tu ne réalises pas que ce que je t’offre n’a pas de valeur ! Ce voyage à Naples est notre lune de miel après quinze ans de mariage.

          — Vingt roses ! Ce n’est pas rien, enfin…

          — Chérie, tu verras la sensation de rouler sur la corniche à Naples, tu vas comprendre que ça n’a pas de valeur ! On s’est mariés dans cette Fiat 500. Et nous voilà partis pour déguster les meilleurs mets à Naples.

           — Chérie t’as fini de mettre de l’essence, j’ai chaud !

Alfonso termine de mettre de l’essence dans sa Fiat 500. Il reprend le volant et bifurque sur l’autoroute. Graziella veut prendre une petite heure de sommeil. Elle ferme les yeux. Alfonso conduit calmement en restant pensif. Décidément, sa femme n’a rien compris. Il n’abandonnera jamais sa voiture. Elle fait partie de sa famille. C’est son père qui lui a cédé, et Alfonso est allé jusqu’à se marier avec sa Fiat 500. À chaque voyage sur les autoroutes italiennes, Graziella grogne. La voiture est trop lente ! On n’y arrivera jamais. Lui n’en a rien à faire. C’est sa Fiat 500 ou sa femme. Elle se clamera à Naples quand elle dégustera la meilleur Margherita du monde à la pizzeria Da Michele. Que peut-on vouloir de plus ? C’est l’une des enseignes les plus anciennes de la botte. La pizza est d’un autre monde. Alfonso demandera des anchois en plus sur sa Margherita. Il n’a qu’à commander une Napolitaine. Mais il n’aime pas les anchois quand ils sortent du feu. Il préfère les rajouter lui-même sur la mozzarella chaude et fondante. Alfonso aperçoit un panneau qui indique que Naples n’est plus qu’à soixante-dix kilomètres. Graziella ronfle déjà. Alfonso ne voit pas le moment de déguster sa première bouchée, comme la première fois qu’il avait embrassé Graziella.

 

Alan Alfredo Geday

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