Charlie Chaplin est de retour cette fois-ci avec son dernier court-métrage « Une idylle aux champs ». Le thème est romantique et léger, et le ton malicieux. Mais l’envers du décor est tout autre. Sa réalisation est la pire expérience de sa carrière. Le projet se révèle aussi agréable qu’un « arrachage de dents », écrira-t-il dans ses mémoires. Il est en proie à des pannes sèches, à des pages blanches, à un perpétuel manque d’inspiration. Lui dont l’imagination débordante est la marque de fabrique, se retrouve face à ses propres limites pour la première fois. Cette Californie rurale le laisse songeur et perplexe. Il travaille d’arrache-pied, bien décidé à prendre le taureau par les cornes, et s’épuise dans des idées qu’il raye aussitôt d’un revers de manche. Et pour couronner le tout, il ne trouve pas de réconfort dans son intimité. Sa jeune épouse le déçoit, elle ne fait preuve d’aucune curiosité intellectuelle et d’aucune sensibilité artistique. Il regrette déjà ses noces fraichement célébrées. Il faut dire qu’il est exigeant, qu’il ne laisse rien au hasard, qu’il vise la perfection. Et il est convaincu d’avoir l’étoffe d’un génie. Mais quelle femme pourrait prétendre à ce rôle délicat d’épouse de génie ?
Dans Une idylle aux champs, Charlot est un homme à tout faire : garçon de ferme, réceptionniste ou barbier. C’est un personnage maladroit, comme toujours, qui enchaîne les déboires et les mésaventures. Et son patron ne cesse de le rabrouer et de lui botter le cul. Ainsi, Charlot mène son troupeau de vaches fièrement à coup de bâton, traversant la campagne californienne. Il batifole dans les pâturages, il s’enthousiasme, il se promène… Et pris par ses rêveries, il oublie son devoir et s’aventure seul sur les chemins, laissant le troupeau sans surveillance. Mais tout à coup, il croise une vieille paysanne qui le rappelle à l’ordre : où sont ses vaches ? Zut ! Le voilà encore victime de sa distraction ! Il se hâte de les chercher par monts et par vaux. Il court, il appelle, il s’inquiète. Bon dieu, où sont-elles ? On n’égare pas ainsi une dizaine de bovins d’une centaine de kilogrammes chacune ? Ah ! les fidèles de l’église s’échappent en courant, effrayés. Charlot se précipite dans l’église pour retrouver enfin son troupeau, et le voilà à califourchon sur une vache qui s’enfuit à bride abattue ! Notre héros n’est pas si malhabile et s’accroche tant bien que mal à la bête affolée. Mais patatrac ! Charlot fait une chute spectaculaire dans un ravin. Charlot est laissé à demi-mort sous un pont. Et le voilà qui rêve…
Une cordelette fleurie lui chatouille le nez. Charlot relève la tête. Quatre splendides nymphes tentent de le hisser jusqu’à elles. Ni une, ni deux, Charlot se laisse emmener par les bacchantes pour danser en agréable compagnie. C’est l’une des scènes les plus mémorables du court-métrage. Malgré son ridicule et ses grandes chaussures, Charlot interprète à merveille le ballet du grand danseur russe Vaslav Nijinski, une façon de lui rendre hommage. Charlie Chaplin est flatté à son tour quand le danseur russe le complimente pour ses talents de danseur.
Mais, tout rêve a une fin. Charlot est réveillé par son patron qui lui botte le derrière !
Alan Alfredo Geday
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