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Un concert pour le SIDA, 1985


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— Ce concert du Live Aid était magique ! dit William à Susan.

       — Tout simplement extraordinaire ! Je n’ai jamais vu ça ! C’était le jour le plus mémorable de ma vie ! affirme tristement Thomas.

           — Ne t’inquiète pas, il y en aura d’autres ! le réconforte Susan.

        — Je doute qu’il y aura d’autres concerts comme celui-là, surtout au stade de Wembley. Il y avait tous les plus grands artistes. Queen ! U2 ! David Bowie ! Led Zeppelin ! Dire Straits ! The Who!

           — La liste est longue, dit Susan.

— Attends ! Pas fini encore ! continue Thomas. Paul McCartney, Elton John, Wham!, Phil Collins, Sting, Madonna…

— C’était mémorable, c’était mémorable… soupire Susan. Mais quand même, tu étais un peu trop bourré pour profiter de la musique !

— Moi je ne comprends la musique qu’avec de la bière dans le sang, continue Thomas. Quand je suis bourré, je sens les vibes dans tout mon corps, un peu comme si elle faisait partie de moi…

— Et quand tu as vomi juste aux pieds la scène, devant Freddie Mercury ? Franchement, tu m’as fait un peu honte, renchérit Susan.

— Il t’en faut peu pour avoir honte ! Freddie est le plus camé des mecs, je pense qu’il a pris ça comme un hommage ! Tu crois pas, William ?

— Sans doute, sans doute…Bon qu’est-ce qu’on fait ?

 

Les trois amis entrent dans l’appartement de Thomas. William s’empare de la guitare, et se met à jouer un air de Led Zeppelin. Stairway to heaven est la plus belle des chansons. C’est sa préférée. Thomas sort quelques bière Carlsberg de son réfrigérateur. Les canettes sont gelées. Il en lance une à Susan qui se hâte de boire quelques gorgées dans la chaleur de l’été. Aujourd’hui, c’est dimanche ! Le concert organisé en l’honneur du SIDA la veille était juste spectaculaire. Les trois se remettent de leurs émotions. Ils ne veulent rien entendre, ils ne veulent pas parler. Ils ont encore au cœur le rythme des rockeurs qui défilaient sur la scène, ils entendent encore les instruments de musique résonner indéfiniment dans leurs oreilles. Pour quand le prochain concert ? Quelle star du rock va autant les envoûter que Freddie Mercury ? « Impossible ! » insiste Susan. Le groupe Queen restera à jamais son groupe préféré. Thomas plaide pour U2. Susan s’étend sur le canapé, elle ouvre une autre canette de bière Carlsberg. William commence à jouer “Babe, I’m going to leave you” de Led Zeppelin. Thomas s’emporte : « Joue nous un air de U2 ! »

 

« Et maintenant, on fait quoi ? » demande Susan. Elle regarde du coin de l’œil le préservatif en plastique qui déborde de son sac en cuir. On leur en a distribué une dizaine au concert. Quelle drôle d’époque. Une époque de peur sous ses airs de rock’n roll. Elle tire son sac vers elle et dépiaute le sachet. Elle glisse sa main dans le latex rose d’un air songeur. « Mais c’est dégueulasse ! » se moque William. « On t’a pas dit comment t’en servir ? » ajoute Thomas. Mais Susan continue d’étendre le latex entre ses doigts comme une bulle de chewing gum Hollywood. Tiens, ça fait longtemps qu’elle n’en a pas mâché un. Ce qu’elle aime, c’est sentir fondre le petit rectangle vert sur la langue avant de le mastiquer pour de bon. Thomas ouvre une bouteille de whisky. Il faut lutter contre le mal par le mal, comme on dit. Et sa gueule de bois est tenace. Il n’a pas de glaçons, tant pis. Il boit une gorgée et reprend la guitare, il est tout à coup d’humeur mélancolique. Est-ce que Susan a le béguin pour lui ? Il sent ses yeux posés sur son torse nu, et il sourit.

 

Alan Alfredo Geday

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