Arthur Conan Doyle fit des études de médecine à l’université d’Édimbourg, il écrivait des nouvelles pendant son temps libre, les heures étaient comptées, et il ne rédigeait que quelques bribes ici et là, sur ses carnets qui s'empilaient à côté des gravures anatomiques et des livres médicaux. À la fin de ses études, il décida de s’associer avec un ami pour ouvrir un cabinet médical à Portsmouth, dans le sud de l’Angleterre. Le temps passait, et les patients se faisaient rares. Pour se désennuyer, Arthur Conan Doyle reprit l’écriture. Et celle-ci devint rapidement plus importante que la médecine. Parfois, un patient se présentait au cabinet, et Arthur Conan Doyle se voyait obligé de répondre aux attentes du malade. Il était coupé dans ses pensées, il devait oublier l’écriture et ses personnages, oublier ce qui l'habitait à longueur de journée. Mais ces coupures étaient peu fréquentes, et Arthur Conan Doyle avait tout le temps de parfaire et de développer les nouvelles qu’il écrivait à l'université. Un homme l'avait inspiré pendant ses études, un homme à l'intelligence rare, aux manies atypiques, à l'allure élégante. Cet homme était son professeur, et s'appelait Joseph Bell. C'était un homme très grand, et qui venait toujours dans l’auditoire avec un chapeau, vêtu d’un manteau noir à l’anglaise, et qui fumait la pipe. C’était sa posture, ses mimiques, son éloquence et sa gestuelle qui inspiraient Arthur Conan Doyle. Joseph Bell avait l’art de résoudre l’insolvable en quelques mots, en déchiffrant les faits, en déroulant les hypothèses. Il avait une approche de détective, une approche de chercheur rigoureux, toujours à l'affut des signes, retraçant par instinct et par inspiration les liens nébuleux des causes et des effets.
En 1880, Londres est une cité bouillonnante. Elle est le centre mondial de la révolution industrielle. Les riches fréquentent les miséreux, les ouvriers côtoient les bourgeois, et dans les bas-fonds de la capitale de l'Angleterre victorienne, les brigands se mêlent aux prostituées. Dans cette effervescence, un homme commet une série de crimes, et cet homme est le fameux et redouté Jack l'Éventreur. Ses crimes ont un écho colossal dans la presse. La police mise sur tous les moyens pour résoudre les énigmes et attraper le criminel. Londres bourdonne face à la recrudescence des crimes, et les réseaux d’informateurs s’organisent vite. Arthur Conan Doyle crée un personnage de son époque, un personnage capable de mettre la main sur les criminels les plus intelligents. Sherlock Holmes est grand de taille, si mince qu’il parait encore plus grand. Son nez de faucon et ses cheveux noirs lui confèrent un visage singulier. Son costume de tweed et son chapeau, une élégance de dandy. Et pour résoudre ses enquêtes, Sherlock Holmes a besoin des réseaux d’informateurs qui pullulent dans Londres. Il n'hésite pas à faire appel aux plus filous, à traverser toutes les strates de la société et à interpeller les plus puissants. Sherlock Holmes est aussi un toxicomane, un insomniaque, un homme à l'intelligence acérée et excentrique. Il est pédant, hautain et désagréable. Pourtant, le Docteur Watson lui voue une grande amitié. Une amitié teintée d'admiration. Il se prend au jeu du détective, et sa vie devient une aventure. L'ennemi juré de Sherlock Holmes est Moriarty, un criminel de grande envergure, détrônant Jack l'Éventreur dans ses ambitions. Il est le premier génie du mal de la littérature. Un ennemi redoutable qui force l'admiration de Sherlock Holmes. Un ennemi à sa hauteur. Moriarty est un homme de bonne famille, il a reçu une excellente éducation et il est prodigieusement doué pour les mathématiques. Il est même titulaire d'une chaire de mathématiques dans une université. Il aurait pu mener une brillante carrière, mais ses instincts criminels l'ont poussé vers le mal. Sherlock Holmes a le plaisir de démêler les intrigues finement ficelées par son ennemi. Ce génie du mal n'a pas fini de le hanter.
« C'est à vous, assurément, que je dois Sherlock Holmes ! » écrivit Arthur Conan Doyle à son professeur de médecine Joseph Bell quelques années plus tard.
Alan Alfredo Geday
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