C’est l’équivalent en masse au décollage de quatorze Boeing 787 de nos jours ! C’est plus de trois mille tonnes d’acier à propulser et à soulever jusqu’à l’orbite terrestre ! Soit trois millions de kilogrammes ! Pouvait-on imaginer un jour que le père de cette fusée, von Braun, celui qui avait conçu les missiles V2 envoyés pour détruire Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, allait soulever cette fusée de son pas de tir ? Et cette fusée, qui accompagnera tout le programme et les missions Apollo, s’appelle Saturn V.
Dans leur capsule, les trois astronautes et aventuriers de cette mission Apollo 11 enregistrent des records de battement de cœur à la station spatiale du Cap Kennedy. Personne ne peut les voir parmi le public. La foule est en liesse. La fusée décolle, ses moteurs grondent comme l’écho du tonnerre. Le tir de lancement est en flamme. La fumée se répand telle une nuée d’oiseaux gris. Saturn V est propulsée. Le compteur est en marche. Neil Armstrong frémit d’excitation. C’est le commandant de cette mission. C’est un civil, et il a été choisi pour devenir le premier homme à fouler le sol lunaire. Le premier, avant les Russes, avant qui que ce soit. Il répète sans relâche dans sa tête, comme un enfant qui se prépare à réciter un poème au tableau : « Un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité… » C’est son mantra, c’est son refrain incessant. Il n’ose y croire. Dix secondes, seulement, et dans quelques jours, la Lune. Plus que quelques jours, et Neil Armstrong amerrira sur la Mer de la Tranquillité. Buzz Aldrin, le deuxième astronaute, reste serein. Il garde toujours un remarquable sang-froid. C’est un militaire, et c’est le deuxième qui a été choisi pour fouler le sol lunaire. Il se laisse porter par la force de propulsion. Il garde un œil sur la manette d’abandon de mission. On ne sait jamais. Enfin Michael Collins a les larmes aux yeux. Il ne marchera pas sur la Lune. Pendant que les autres feront leurs premiers pas sur l’astre d’argent, Michael Collins les attendra en orbite. Les astronautes, ces mathématiciens, ces ingénieurs ont passé la dernière décennie à travailler sur cette mission. Cette première mission est cruciale dans la course pour la lune contre l’Union soviétique. Elle a déjà envoyé un homme autour de la Terre, Youri Gagarine. Et les Américains ne vont pas se laisser faire. Ils feront leurs preuves, et comme le président John F. Kennedy l’a dit : « La prochaine destination avant la fin de la décennie est la Lune ».
À une centaine de mètres de là, les habitants de la Floride sont venus admirer le décollage de Saturn V. La fusée est à une trentaine de mètres du sol. C’est un ouragan, c’est la rage de vaincre la Lune, c’est le grondement des moteurs qui déchire l’atmosphère. La fusée se fait de plus en plus petite. Quelques minutes plus tard, la fusée n’est plus qu’une étoile filante, trainant une petite fumée derrière elle, tellement petite aux yeux des habitants de la Floride. On ne voit plus rien.
Alan Alfredo Geday
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