Le flamenco est à la fois énergie et sentiment. Le flamenco, c’est la vie, la mort, la mélancolie, le destin, la passion et la liberté. C’est un langage universel, rigoureux et improvisé. Le flamenco est un art intense porté par le rythme de la guitare et la trame complexe des percussions : frappement des mains que l’on appelle palmas, des talons que l’on appelle zapateados, claquements des doigts plus communément connus sous le nom de floreos et des castagnettes. Le flamenco nait de la chaleur du sud de l’Espagne. C’est un art, c’est une passion qui en fait un spectacle unique.
Rosa et Antonio sont des artistes de Grenade, l’une des villes berceaux du flamenco. Le flamenco fut apporté par les Gitans qui étaient venus se réfugier en Espagne au quinzième siècle. Ils ont ainsi cohabité avec les Andalous et échangé leurs coutumes et leurs chants, partageant la misère et le mépris dont ils étaient victimes. Les lois envers les gitans étaient dures, mais le flamenco et la tauromachie leur ont permis de survivre en leur offrant un domaine d’expression et d’affirmation de leurs valeurs. Antonio a des ancêtres gitans, et il est fier de perpétuer leurs traditions. De père en fils, le flamenco s’est transmis. Rosa est une Andalouse, et le flamenco coule tout autant dans ses veines. Aujourd’hui, c’est un art apprécié, largement ancré dans la culture espagnole, mais à ses débuts, le flamenco était considéré comme une subversion et une incitation à la débauche. Il fallut attendre le dix-neuvième siècle pour que l’État tente de s’approprier le flamenco en le canalisant dans des scènes de cafés concerts et des lieux spécialisés. Il s’agissait de débarrasser les rues, les places, les tavernes et les prisons de cet art provocateur.
Rosa et Antonio, qui ont fait le voyage de l’Andalousie, connaissent bien cette histoire. Aujourd’hui, il se reproduisent au grand bonheur des Parisiens sur la terrasse d’un café des Champs-Élysées. Les habitués sont époustouflés par la prestation hors norme de Rosa et Antonio. Ça claque tout le temps aussi bien au sol que par les castagnettes. Antonio, le bailaor, décide de sauter haut pendant que Rosa, la bailaora, fait virevolter sa robe. On reconnait le bailaor à ses chaussures cirées à talons, son pantalon noir à taille montante, sa large ceinture en tissu rouge, sa chemise blanche, sa veste noire appelée boléro et son chapeau cordouan. Les habitués applaudissent, les musiciens jouent de plus belle. « Olé », hurle Rosa. Et les Parisiens clament en chœur : « Bravo ». On manifeste de l’enthousiasme et de l’admiration pour ces deux danseurs de flamenco. La belle Andalouse est vêtue d’une robe blanche parée de volants qui trainent derrière elle, de chaussures à hauts talons et d’un châle de soie à franges. Le spectacle est merveilleux, la danse unique et très cadencée. Antonio retombe au sol et porte langoureusement Rosa.
Alan Alfredo Geday