Rinty Monaghan, 1949
- alanageday
- 26 mai
- 3 min de lecture

Il suffit de se munir de gants rembourrés de crin, de chaussures en cuir sans talons ni talonnettes pour pratiquer cet art noble qu’est la boxe anglaise. Ce sport de combat n’autorise aux adversaires que de s’échanger des coups de poings portés au visage et au buste, à la différence de la savate française. Ce soir, Terry Monaghan, connu sous le surnom de « Rinty », dispute son dernier match dans la catégorie poids mouche, soit environ 50 kg. Dans l’arène Harringay à Londres, les spectateurs sont en ébullition. On les entend hurler le nom de leur boxeur, on les voit se lever à chaque coup de poing, on les écoute pousser des « ah » et des « oh » incrédules, furieux, enthousiastes et encourageants. On est aveuglé par les projecteurs, et on sent les estrades trembler sous les trépignements et les levées intempestives. Les amateurs de boxe sont en admiration devant la performance de Rinty Monaghan. Le boxeur est devenu célèbre après la guerre, en se hissant au rang de champion du monde incontesté. Il devient un héros pour de nombreuses personnes de sa ville natale, Belfast, en Irlande du Nord. La cloche du ring tinte. Rinty se retire un instant.
Des souvenirs lui traversent l’esprit. C’étaient les beaux jours de Belfast quand il a commencé à cogner, et à devenir un homme. Il fréquentait alors l’école des frères chrétiens de Saint Patrick dans la rue Donegall. À la fin de chaque journée de cours, il se ruait vers le club de boxe et ses sacs de sable. Il s’épuisait contre ce poids mort. Il s’imaginait un adversaire vorace et indomptable. Il croyait frapper contre l’inconnu. Puis vinrent les premiers matchs. Il se battait trois soir par semaine au King’s Hall de Belfast, toujours prêt à rassembler les foules. Les jeunes l’admiraient, les vieux le respectaient. Rinty Monaghan était un homme instruit qui voulait se construire. Mais aussi détruire tout ce qui venait en face de lui ! L’approche du nazisme en Europe, la défaite de la Belgique, et il dut quitter le ring deux années pour servir son pays. Belfast a été lourdement bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale. Rinty Monaghan se souvient. Il ne savait pas où s’abriter pour éviter les bombes. Les sirènes de Belfast hurlaient, le diable s’approchait. C’étaient les premiers raids ! On pensait que la ville était hors de portée des bombardiers allemands. Ces derniers ont tué un millier de personnes et laissé des dizaines de milliers de sans-abris. À l'exception de Londres, il s'agit de la plus grande perte de vies humaines lors d'un raid nocturne pendant le Blitz nazi. Rinty Monaghan pense à toutes ces âmes. Elles ont perdu la vie pour des causes nationalistes. Elles se sont éteintes pour la volonté d’un homme convaincu de sa politique. Adolph Hitler ! Quelques mois plus tard, au printemps, la Luftwaffe allemande survolait Belfast à deux reprises. Ainsi, Rinty Monaghan ne se laissera pas abattre. Il s’engagea dans l’armée britannique aux côtés des Américains pour aller se battre sur le front. Son esprit est noble, sa cause est courageuse ! La cloche du ring tinte.
Rinty repart pour défier son adversaire Terry Allen. C’est le soixante neuvième combat que Rinty dispute. Cette fois-ci, les pensées lui traversent l’esprit en un éclair, comme des coups de tonnerre qui frappent, comme des lames tranchantes qui descendent du ciel. Et ces pensées, ce sont ces adversaires qu’il a mis KO durant sa carrière. Au total, vingt matchs remportés en mettant KO son adversaire. Et trente et un match remporté par décision de l’arbitre. Rinty évite les coups de Terry Allen. Il fait l’araignée sur le ring, droite puis en arrière. Terry Allen se fatigue de cette attitude désinvolte. Puis, Rinty lâche une droite, puis un revers du gauche, et une autre droit.e Aura-t-il droit à une victoire? La cloche retentit. Le match touche à sa fin, et il est nul. La foule se lève pour applaudir Terry Monaghan et ses derniers instants de carrière sur le ring. On applaudit tendrement. Une larme coule sur le visage de Rinty. Il ne peut contenir son émotion. Il lève un poing et tend une accolade à Terry Allen. L’étreinte est forte et symbolique ici à Londres. Les spectateurs sont émus et les applaudissements vont crescendo. C’est alors que l’organisateur s’empare du microphone pour le laisser parler. Les estrades rendent le silence.
Rinty Monaghan s’adresse une dernière fois à ses admirateurs ! « Merci »
Alan Alfredo Geday