Son pontificat commence par une guerre. Au conclave, les cardinaux expriment leur souhait d’un pape plus diplomate que son prédécesseur Pie XI. L’arrivée de ce pape signifie effectivement un changement style. Pie XII est moins direct dans ses condamnations et cherche à empêcher la guerre. Le Saint-Siège doit rester neutre et éventuellement agir comme médiateur. Dans les archives du Vatican, on peut retrouver les prises de position publiques de Pie XII de 1939 à 1945.
La politique de neutralité de Pie XII rappelle celle de Benoît XV. Il veut maintenir au Saint-Siège un centre de renseignement et d'ouverture à la négociation. Mais le Vatican est sous la surveillance policière de l'Italie fasciste, puis sous la menace de l'armée nazie après l'occupation de Rome en 1943. Les valises diplomatiques sont fréquemment fouillées. Les lignes téléphoniques sont mises sur écoute. Le journal l’Osservatore Romano est censuré. Les allées et venues des diplomates et journalistes sont étroitement surveillées. Pie XII s'appuie donc surtout sur Radio Vatican pour se faire entendre même si, comme la BBC, celle-ci est brouillée par les Allemands au cours du conflit.
Pie XII donne le cadre théologique et diplomatique de ses prises de positions dans sa première encyclique officiellement publiée le 20 octobre 1939. Il condamne les différentes formes de racisme et de nationalisme, ainsi que les luttes de classe dénonçant « l'oubli de cette loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d'origine et par l'égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent ». Pie XII s’oppose nettement, mais sans les nommer, au nazisme, au fascisme mais aussi au communisme et au libéralisme sans Dieu comme responsables de la guerre, qui n'apportera pas la solution. « L'esprit de la violence et de la discorde verse sur l'humanité la sanglante coupe de douleurs sans nom », rédige Pie XII.
Lors de la chute de Varsovie, le pape Pie XII confie à l'ambassadeur de France en Pologne : « Vous savez de quel côté se trouvent mes sympathies. Mais je ne peux pas le dire ». À partir de septembre 1939, les nazis éradiquent les élites polonaises : les religieux, les politiciens, les enseignants, les hommes de lettres… 52 000 morts dont 2 350 prêtres et religieux. Et des millions de Polonais sont envoyés dans des camps de concentration avec 2 600 déportés dans le baraquement des prêtres à Dachau. Le pape cherche à protéger les catholiques de Pologne. L'encyclique de Pie XII dénonce ces persécutions contre les civils : « Déjà dans des milliers de familles règnent la mort et la désolation, les lamentations et la misère. Le sang d'innombrables êtres humains, même non combattants, élève un poignant cri de douleur, spécialement sur une nation bien-aimée, la Pologne », rédige Pie XII. Toutefois, le pape ne se joint pas à la condamnation franco-britannique de l'invasion. D'après le ministre des Affaires étrangères du Reich, il pense ainsi protéger les catholiques allemands. Au représentant de Mussolini, il déclare : « Nous devrions dire des paroles de feu contre ce qui se passe en Pologne, et la seule raison qui nous retienne de le faire est de savoir que, si nous parlons, nous rendrions la condition de ces malheureux encore plus dure ». Son message de Noël 1939 réitère sa protestation : « Nous avons dû, hélas, assister à une série d’actes inconciliables aussi bien avec les prescriptions du droit international qu’avec les principes du droit naturel et même les sentiments les plus élémentaires d’humanité. Ces actes exécutés au mépris de la dignité, de la liberté, de la vie humaine crient vengeance devant Dieu ».
Après la guerre, la polémique reste ancrée dans l’esprit des catholiques qui dénoncent le « silence du pape ».
Alan Alfredo Geday
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