top of page

Overlord, 1944


Getty Images

 

— Je t’aime, mon amour, lui susurre sa femme dans le creux de l’oreille.

— Je te promets que je reviendrai, love ! répond le lieutenant américain.

La gare Pennsylvania de New York s’agite. Les hommes ont été appelés en renfort pour faire la guerre. Ils seront tous envoyés dans les semaines à venir en Grande-Bretagne. Quelque chose se prépare. Quelque chose de grandiose, une très vaste opération pour sauver l’Europe du nazisme, du diable, de l’occupation, de l’axe du démon. L’Europe est en guerre et les Américains ont été frappés à Pearl Harbor. L’Amérique entre en guerre. À la gare, un brouhaha s’élève. Ce sont ces femmes qui pleurent le départ de leur mari, de leur fiancé, de leur homme. Ce sont ces mères de famille qui souhaitent du courage à leurs fils. Ils ont à peine vingt ans et ils vont sauver l’Europe encore une fois. Ce n’est que le début de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les premiers trains partent. Les soldats font des au revoir par la fenêtre. Ils ont promis de revenir vivants de la guerre. Les familles ont les larmes aux yeux, elles sont émues. Les trains brinqueballent, et les roues grincent sur les rails. C’est un au revoir, c’est le grand départ. La vapeur du train s’échappe du premier wagon. Le lieutenant n’a plus que dix minutes avec sa femme.

— Que ferais-je si tu ne reviens pas ? Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée ! Je t’aime, ne pars pas, je t’en supplie…

— Je ne peux pas, l’Amérique est en guerre, c’est mon devoir…

— Tu promets de m’écrire les plus belles lettres d’amour ? demande sa femme.

— Je te promets, je te tiendrais au courant de tout ce qui se passe. Tu ne dois pas t’inquiéter…

— J’ai pourtant essayé de venir avec toi ! Mais j’ai été refusée pour servir dans les rangs de l’infirmerie de l’armée de l’air. J’ai fait tout mon possible pour suivre mon homme jusqu’au bout, dans le bien et dans le mal, dans le possible et dans l’impossible, dans la paix et dans la guerre. J’ai tout fait, mais c’est une autre femme qui a été sélectionnée pour servir l’armée. Mon amour, j’aurais tellement aimé venir avec toi ! supplie la femme.

Des larmes coulent sur son visage, et elle craque dans les bras de son lieutenant. Il l’enlace et la console en lui frottant le dos. Elle l’aime plus que tout, c’est son idole, c’est son homme-dieu. Malgré sa tristesse, elle est fière de son mari, il va combattre au nom du bien, de la paix, du possible.

— Je promets, beaucoup de belles choses… quand tout sera fini.

— Je dois te dire quelque chose, murmure-t-elle dans son oreille. J’ai fait un rêve. J’ai vu un petit…

— Quand je reviendrai… Quand je reviendrai, je te promets, insiste le lieutenant.

— Je veux que tu jures, lui dit-elle.

— Je te jure, répond-il en levant sa main droite.

Elle essuie son visage. Elle l’enlace, le serre, l’étreint. Le lieutenant a le cœur qui frémit. Il se réjouit, ça lui donne beaucoup de courage. Elle tient sa main et la pose sur son ventre. Il ne comprend pas. Il ne comprend rien à ce qu’elle fait. Elle lui esquisse un sourire. Elle n’ose pas lui dire. Elle n’ose pas lui avouer qu’elle a vomi les deux dernières semaines. Elle n’ose pas. Elle n’ose pas parler… elle a peur. Elle reprend sa main pour la poser sur son ventre. Il ne comprend toujours pas. C’est pour ça qu’elle l’adore. C’est sa délicatesse, son innocence. Il a toujours été comme ça. Toujours fier d’être un lieutenant, toujours fier de servir l’Amérique.

— La France ! Tu vas en avoir des choses à me raconter… quand tu reviendras, tu seras un autre homme, un pilote accompli… et quand je te dis que j’ai fait un rêve…

— Je dois partir, love, le train est prêt à partir…

— Je t’aime !

 

Le lieutenant entre dans le wagon. Il cherche une place pour s’installer pendant le trajet. Les soldats rangent leur sac dans les compartiments. Tout est sens dessus dessous. Ils fument des cigarettes, sortent des bouteilles et des jeux de cartes. Une atmosphère de camaraderie envahit les wagons. Le lieutenant n’a pas le cœur à se détendre et cherche une fenêtre pour voir s’éloigner son épouse sur le quai. Elle est là, elle est belle, il l’aime. Il comprend. Et le train s’échappe vers la guerre.

 

Alan Alfredo Geday

Comments


bottom of page