top of page

Nellie Bly, 1890

  • alanageday
  • 26 mai
  • 4 min de lecture

Getty Images
Getty Images

 

« Je ne deviendrai jamais une demoiselle de compagnie », affirme la petite Elizabeth Cochrane. Elle refuse ce destin sans valeur signifiante pour une femme et sans impact pour la société. Le fait de devenir gouvernante est dégradant aux yeux d’Elizabeth. Elle ne se laissera pas faire et commence à écrire des poèmes et des récits à seize ans. Désormais en âge de travailler, Elizabeth quitte le domicile familial et se destine à devenir enseignante. Malheureusement, elle se retrouve à court d’argent au bout d’un semestre, et ne peut poursuivre ses études. Elle décide alors de suivre sa mère à Pittsburgh, pour l’aider à gérer un pensionnat. Mais un jour, alors qu’elle feuillète le journal local, elle tombe sur un article qui l’interpelle. Il s’intitule : « Ce à quoi les jeunes filles sont bonnes ». La réponse est simple, les filles sont destinées aux tâches ménagères et celles qui travaillent sont des « monstruosités ». Elizabeth est outragée. Elle doit répondre, elle doit s’insurger contre ces propos ! Ainsi, sa vocation est née. Elizabeth décide de réagir à cet odieux article en signant ironiquement « la pauvre petite orpheline ». Le directeur du quotidien est impressionné par la ferveur de l’auteure. Il publie une annonce dans le tirage suivant en demandant à la petite orpheline de se manifester. Elizabeth donne signe de vie après de longues réflexions. Et aussitôt, le directeur lui offre un poste au sein du quotidien. Il lui faut un pseudonyme, et Elizabeth prend le nom de « Nellie Bly » pour ses piges. Sa première mission : écrire un article sur une fabrique de conserves. Nellie Bly commence son investigation et découvre la misérable condition ouvrière des femmes. Elle élargit ses recherches dans les plus grandes usines du pays. La conclusion est amère : les femmes sont payées une bouché de pain et sont exploitées. Les ventes du quotidien de Pittsburgh explosent, mais les industriels montent le ton. Qui est cette Nellie Bly qui dénonce les conditions de travail dans nos usines ?  Le directeur du quotidien prend peur face aux vives réactions de ces magnats de l’industrie, si puissants aux États-Unis. Ainsi, Nellie Bly est recadrée. Elle est alors cantonnée à des sujets consensuels, et bannie du journalisme d’investigation.

 

Un succès retentit dans la sphère culturelle et intellectuelle, il s’agit du roman de Jules Verne : Le Tour du monde en quatre-vingt jours. Nellie Bly le dévore. Elle a envie d’aventure, elle a besoin d’adrénaline. Elle prend la décision de relever le défi : elle fera le tour du monde en moins de quatre-vingts jours, et répétera l’exploit de Phileas Fogg. À force d’arguments, elle finit par convaincre le rédacteur en chef de lui financer le périple. Et seulement soixante-douze jours plus tard, elle revient, orgueilleuse, de son tour du monde. Mais Nellie Bly n’en a pas terminé, et elle demande à faire un nouveau voyage, cette fois-ci au Mexique. Après quelques semaines de plaisir sous le soleil du Mexique, elle s’aperçoit des inégalités qui gangrènent le pays. Son acuité et son sens de la justice ne se font pas longtemps oublier. Ainsi, elle envoie ses premières piges pour dénoncer la corruption au sein du gouvernement mexicain, la violence des exploitations et l’iniquités du système. Elizabeth Cochrane provoque ! Nellie Bly dérange ! Cette journaliste dévoile les moindres secrets des politiciens ! Elle est vite rapatriée aux États-Unis et, de nouveau, on lui impose de se taire. Ou tout du moins, de s’intéresser à des sujets plus superficiels. La voilà obligée d’écrire sur les fleurs et la mode, des thèmes jugés féminins. Pour Nellie Bly, ç’en est trop ! Elle démissionne et part pour New York, cette ville qui bouillonne, qui fait l’actualité. Elle est bien certaine qu’elle y fera sa place. Mais les grands patrons des journaux newyorkais la refoulent sans chercher plus loin. C’est une femme !

 

Nellie Bly décide alors d’interviewer les magnats de la presse sur la place des femmes dans le journalisme. L’idée plait, et elle arrive à se faire un réseau dans la presse. Mais ce qui la propulsera au rang de grande journaliste d’investigation, ce sont les risques qu’elle est capable de prendre. Ainsi, elle propose au New Yok World d’infiltrer un lugubre asile psychaitrique, le Blackwell’s Island, en faisant passer pour folle. On ne lui assure pas son retour, mais qu’importe, Nellie Bly n’a jamais froid aux yeux ! Alors, elle commence à agir de façon erratique et à parler espagnol. Elle prétend qu’elle a perdu la mémoire et exige qu’on lui remette un pistolet. Elle est vite envoyée au tribunal. Nellie est déclarée « folle à lier » par les médecins qui l’examinent. Son jeu dangereux porte ses fruits. Nellie Bly est envoyée à l’hôpital de Blackwell’s Island. Lors de son séjour, elle est horrifiée par toute ces immigrées maltraitées et battues. C’est un scandale ! La nourriture est avariée, les bâtiments sont infestés, l’eau est souillée. Certaines immigrées sont là injustement car elles ne savent pas parler anglais. La cruauté infligée à ces femmes bouleverse Nellie Bly. Grâce à ses articles, le tribunal de New York accuse les pouvoirs publics et l’hôpital de Blackwell’s Island est durement condamné.

 

Nellie Bly a su donner une autre vision du journalisme d’investigation. Cette pionnière n’est pas la première femme de son temps à rejoindre le journalisme, mais elle fut sans aucun doute la plus courageuse.

 

Alan Alfredo Geday

 
 
bottom of page