« C’est la guerre la plus meurtrière que l’on ait connue ! Mais la guerre de Sécession a mis fin à l’esclavage aux États-Unis, a restauré l’union et renforcé le rôle du gouvernement fédéral. Les conséquences sont donc majeures, et aujourd’hui encore, l’économie et la politique américaines en découlent ! Mais comment a-t-elle commencé ? La guerre de Sécession fut déclenchée par une attaque de l’armée des États confédérés à Charleston, en Caroline du Sud. Ce devint une guerre civile, on était en 1860, il y a donc presque un siècle… » s’enthousiasme Mister Slayton, professeur d’Histoire de la High School de Irvine, en Californie. Mais les élèves ne sont pas studieux, ne sont pas curieux, ne sont pas motivés. Ils ne veulent retenir que l’essentiel pour l’examen, alors ils se concentrent sans vraiment écouter. Pourtant, Mister Slayton n’hésite pas à étayer son discours de tours de bras, d’éclats de voix et d’anecdotes. Il aurait tant rêvé devenir comédien, mais il n’avait pas la tête de l’emploi, comme on dit, avec sa calvitie précoce, ses dents en bataille et son zozotement. Pourtant, il se voyait brûler les planches de Broadway, briller sous les projecteurs des studios de Hollywood, et capter l’attention de milliers de spectateurs. Mais il est demeuré à Irvine, où il est né, et où il a grandi. Il a décroché difficilement ce poste de professeur d’Histoire, il n’avait pas les connaissances, ni l’appétence, et il ne connaissait rien à la pédagogie. Mais il est resté à s’époumoner devant des adolescents apathiques depuis dix ans.
Megan se demande quelle robe elle portera ce soir pour aller au cinéma avec Jordan. Il lui plait, elle lui fait les yeux doux depuis le début de l’année. Mais il en a mis du temps pour l’inviter à sortir ! Pourtant, il n’est pas timide, c’est un sportif et il est apprécié. Le cœur de Megan a failli flancher quand il est venu la voir à la cantine, qu’il a déposé son plateau devant elle, qu’il s’est assis en face d’elle, qu’il lui a offert un large sourire avant de faire sa grande demande : « Tu veux aller au ciné avec moi jeudi ? J’ai un peu d’argent pour acheter du pop-corn ». Il y a bien sa jolie robe verte du dimanche, mais tout de même, c’est un peu trop élégant pour un cinéma. Elle ne veut pas passer pour une idiote ! À côté d’elle, Jordan n’est pas moins pensif. Il se demande s’il arrivera à lui décocher un baiser et surtout, s’il sera bon. Il a déjà embrassé une fille en camp de vacances, et même trois fois, mais tout de même, il n’a pas tant d’expérience. Et Megan est une fille sérieuse, elle risque de lui décoller une gifle s’il est trop entreprenant. Mais elle avait l’air si ravie quand il l’a invitée… Au fond de la classe, Kevin se pose beaucoup de questions. Son père l’encourage à faire du baseball, mais lui préfère la boxe. Le club de boxe d’Irvine n'est pas très fréquenté, et s’il veut se faire une carrière de sportif, le baseball est plus recommandé. Mais le baseball ne l’a jamais passionné, et quand son père le traine dans les matchs amateurs, Kevin passe son temps à rêver d’un match de boxe. Lui, il aime le combat en face à face, il aime voir deux hommes se démener, s’affronter, se déchaîner. Sa mère s’inquiète de son goût pour la boxe et lui rappelle que les boxeurs finissent souvent avec un nez cassé, des oreilles en chou-fleur et des problèmes de cervelle. De toute façon, il n’a jamais eu pour ambition de remporter un prix de beauté. Et les filles aiment les gueules cassées, parce que ça montre le courage.
« Révisez assidument votre leçon, l’examen aura lieu lundi prochain à seize heures… » prévient Mister Slayton. Les élèves sortent de leurs rêveries. Zut ! Ils n’ont absolument rien retenu, et absolument rien noté ! Mister Slayton revient dans la salle des professeurs. Quel foutu métier d’être professeur d’Histoire à la High School de Irvine. Ces élèves s’ennuient trop ! Ils ne sont pas les seuls.
Alan Alfredo Geday
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