top of page

Madame Hale, 1944


Getty Images

 

En ce matin de juin 1944, quelque part à Sainte-Mère-Église, Madame Hale se prépare à la hâte. Les soldats américains ne vont pas tarder à passer dans sa ruelle. Son mari est parti aux aurores combattre avec les forces britanniques et américaines. Il a enfilé des bottes et a endossé sa baïonnette. Voilà plus de deux semaines que le village de Sainte-Mère-Église a été libéré. Et les troupes n’hésitent pas à faire leur ronde dans les petites ruelles du village pour s’assurer que les habitants sont en sécurité. Car il y a deux semaines, les villageois étaient en liesse devant les libérateurs et les parachutistes britanniques. On sortait dans les rues des drapeaux américains à la main, on dansait sur la place principale du village, on offrait du lait aux soldats américains. On était heureux, on se réjouissait. On remerciait les Anglais. Tous les hommes participent ainsi à l’effort de guerre. On prend ce qu’on a sous la main et on va combattre. Car pendant quatre ans, c’était l’enfer des restrictions de l’occupation allemande. Une centaine de grammes de viande, cinquante grammes de farine, du topinambour, du café d’orge. Les Allemands avaient envahi Sainte-Mère-Église avec leur poste de mitrailleuse. Ils foulaient les pavés aux premières lueurs du jour, effrayant tous les villageois. La France était occupée, et Sainte-Mère-Église était meurtrie par cette occupation. Les villageois collaboraient et participaient à n’importe quels petits travaux. Pousser un véhicule en panne jusqu’au village voisin, porter des sacs de sable pour construire des postes de gardes, traire les vaches aux noms des Allemands ! Madame Hale en a entendu de toutes sortes. « Dépêche-toi de porter ce sac de sable ! » ordonnait un soldat allemand à un villageois. « Toi pousser la voiture jusqu’à prochain village ! » plaisantait un officier devant le maire de Sainte-Mère-Église. Madame Hale se poudre les joues. Elle est fin prête pour divertir les marines américaines. Elle sort sur le perron et appelle les marines. « Venez, j’ai du thé ! Venez Messieurs » leur lance-t-elle. Elle a aussi sa manière de participer à la libération de la France. Bientôt, elle ira à Paris pour honorer les troupes américaines. Madame Hale réchauffe l’eau dans une immense casserole en fonte et prépare les tasses.

 

— Oh merci Madame ! Merci beaucoup ! C’est très gentil de vous ! dit un soldat américain en portant la tasse de thé sous sa moustache blonde.

— Moi je suis Madame Hale, et je vous offre du thé tant que vous êtes à Sainte-Mère-Église. Je peux aussi jouer de l’accordéon pour vous divertir, Messieurs.

— Oh merci Madame ! Chez moi dans le far west, on écoute de la country…, indique un soldat américain.

— Oh merci beaucoup Madame ! dit un autre soldat. J’adore la country music !

— Rien à voir ! Moi, je vous joue de la vraie chanson française ! dit-elle en allumant une cigarette. J’ai la voix rouée, mais Messieurs les soldats américains, je vais tout de même vous impressionner ! conclut Madame Hale en tirant sur l’accordéon.

— Oh merci beaucoup Madame ! Merci beaucoup madame ! Vous avez une belle voix, s’enthousiasme un soldat.

— Là-bas en Amérique, vous ne connaissez pas ces chansons ! Écoutez Messieurs !

 

Les soldats américains sont en admiration devant la musique de Madame Hale. Sa voix est peut-être rocailleuse comme les maisons du village, mais ils ont été charmés par sa générosité et sa gentillesse. Madame Hale se coupe en quatre pour les divertir. Mais les soldats doivent partir remplir leur mission et faire leur ronde. À bientôt Madame Hale ! Bye bye !

 

Alan Alfredo Geday

Comments


bottom of page