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Les vendeuses de Yarmouth, 1936

  • alanageday
  • il y a 3 jours
  • 2 min de lecture

Getty Images
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Depuis la nuit des temps, le hareng abonde dans les mers froides du Nord, aux confins de la Nouvelle-Écosse. Le soleil pâle et embrumé apparaît au-dessus du port de Yarmouth, cette ville ancienne située sur une péninsule entre la rivière Yare et la mer. Le vent salé se lève, les mouettes se balancent au-dessus des vagues. Les embruns détrempent les femmes de Yarmouth qui attendent, leur corbeille à la main, les bateaux de pêche partis quelques heures avant le point du jour pour trouver du hareng. Ce poisson argenté et tant chéri par les habitants de Yarmouth se déplace par millions dans les eaux glacées. Ils envahissent la mer à tel point que parfois, il est impossible de ramer ou de jeter les filets à l’eau ! La mer devient alors solide et visqueuse, comme un gigantesque hareng protéiforme. Quand les premiers bateaux amarrent sur les pontons, les mouettes rieuses se mettent à battre des ailes de plus belle, et leurs cris rauques enthousiasment les femmes de pêcheurs. Ça veut dire qu’il y a du poisson ! Que les filets sont plein à craquer !

 

Elizabeth remplit sa corbeille d’osier de harengs quand une mouette tente de se poser sur le couvercle. « Ouste ! » lance-t-elle d’un geste de la main. Il y en aura pour tout le monde. Les femmes de pêcheurs avant tout, les habitants de Yarmouth, et les enfants. Le surplus de hareng sera rapidement emballé pour être vendu à l’étranger. Le hareng fait la fierté de Yarmouth ! « Que c’est lourd ! » s’enthousiasme Elizabeth avant d’arriver enfin devant une grosse gouttière. Elle enlève le couvercle de sa corbeille, et déverse les « argentés chéris » dans la gouttière. Quel miracle ces jours-ci que de vendre autant de hareng ! Autant qu’elle le peut ! Elle s’empare d’une poignée de harengs et les porte à son nez. C’est humide et désagréable. Ça sent le fraîchin ! Puis les vendeuses de Yarmouth lancent du sel sur les poissons gras afin qu’ils ne pourrissent pas. On ne verra pas beaucoup de soleil aujourd’hui à Yarmouth, mais le hareng est tellement gras qu’il faut vite le saler. Elizabeth s’empare d’une poignée de sel qu’elle éparpille fièrement sur les poissons. Ainsi s’exécutent toutes les vendeuses de Yarmouth.

 

Quelques heures ont défilé, et les habitants de Yarmouth sont venus sur le port pour faire leur emplette. On achète du vinaigre, on se procure des oignons, mais surtout le hareng qui déborde de la gouttière. Elizabeth est aux anges. C’est peut-être le sixième kilogramme de hareng qui s’échappe de ses mains. Peu importe ! Si un kilogramme représente cinq ou six harengs !  Elizabeth se réjouit. Elle vend. Elle remplit les paniers de ses clients avec joie. Elle a encaissé depuis les premières lueurs quatre livres sterlings. « Si c’est pas de la manne ça ! » lance-t-elle à une acheteuse qui la félicite pour cette fructueuse pêche.

 

Alan Alfredo Geday

 
 
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