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Les sammies en France, 1917


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« Je regrette de ne pas pouvoir m’adresser à la gentille population française dans la belle langue de son pays. On ne peut pas oublier que la nation française était l’alliée de l’Amérique quand elle s’est battue pour son existence, quand une poignée d’hommes courageux et patriotes ont été déterminés à défendre leurs droits et leur indépendance. On ne leur avait donné que la France pour les aider, et cette aide était incarnée par le marquis de La Fayette. Cela relèverait de l’ingratitude de ne pas s’en souvenir, et l'Amérique ne fera pas défaut à ses obligations…Par conséquent, c'est avec une grande fierté que nous embrassons les couleurs de la France, en hommage au marquis de La Fayette, ce citoyen de votre grande République. Ici et maintenant, dans l'ombre de l'illustre mort, nous vous donnons l’assurance, au nom de notre cœur et de notre honneur, d’aider la France et de donner à la guerre une issue favorable. Lafayette, nous sommes là ! » avait prononcé le capitaine Charles E. Stanton de l’état-major du général Pershing le 4 juillet 1917. Les premiers soldats américains étaient arrivés à Paris. Le discours fut prononcé au cimetière de Picpus sur la tombe de La Fayette, le héros des deux mondes.

 

La guerre fait rage en Europe depuis trois ans. Les Américains approvisionnent les pays de l’Entente. Il y a deux mois, le président Wilson déclarait la guerre à l’Empire allemand. John s’est levé ce matin, fier d’appartenir à l’armée américaine qui ne compte que deux cent mille hommes. À ses côtés, sa femme Jane n’a pas dormi de la nuit. John quitte le pays aujourd’hui pour la France, Brest plus précisément. Il combattra sur le front en Lorraine. John s’étire et revêt son uniforme de soldat. Il n’a pas de temps à perdre. Il veut savourer les derniers instants avec sa femme et ses deux enfants. Jane sort du lit pour lui préparer un grand bol de café chaud. John enfile son pantalon de soldat, fixe une large ceinture autour de sa vareuse, enroule ses bandes molletières au bas de son pantalon et place sur son dos son masque à gaz. Il est fin prêt. « Le petit déjeuner est servi, honey ! » l’informe Jane. Leurs deux enfants sont debout. Ils vont dire au revoir à leur père.

 

— Je vais me battre au nom de la France, répète John à sa femme Jane.   

— Papa, pourquoi pars-tu en guerre ? lui demande son fils. Est-ce que ça veut dire que l’on ne va plus te revoir ? Et maman, dans tout ça ? Je vais faire des cauchemars sans toi…

— Pas de cauchemars ! Maman est là, elle va s’occuper de vous en mon absence…

— Papa, je veux venir avec toi ! s’enthousiasme sa fille. Je veux venir avec toi en France, je veux aller en France…

— Tu sais qu’en France, il n’y a pas de chocolat ni de chewing-gum mon amour ! Rien de tout ça !

— Ton père part en guerre pour sauver la France de l’Empire allemand, explique la mère à leurs deux enfants. Il ne va pas tarder à revenir. Vous devez être fiers de votre père. Il va se battre au nom de l’Amérique, il fait la fierté de notre pays.

 

John est un sammy. C’est ainsi que les ont nommés les Français à leur arrivée sur le front. Les sammies en référence à l’oncle Sam ! Samuel Wilson, plus communément connu sous le nom de l’oncle Sam, s’est engagé dans l’armée continentale en 1781. Ses tâches consistaient à garder et à s'occuper du bétail, à réparer les clôtures, à abattre et à emballer la viande. La garde de la viande était une priorité pendant la guerre de 1812. Oncle Sam, alors, approvisionna l’armée de l’Union avec deux cent mille kilogrammes de porc et trois cent mille kilogrammes de bœuf. Les sammies étaient les bienvenus en France. Les Français fournirent à cette armée américaine qui se voulait indépendante plus de deux mille canons, un peu moins de cinq mille avions, la quasi-totalité des munitions d’artillerie, des dizaines de milliers de mitrailleurs et plus de vingt millions de cartouches. Les civils américains donnèrent aux Français du savon, du tabac blond et des boîtes de conserve. Leur solde était équivalente à celle des officiers français. Ainsi les habitants en France leur vendaient des omelettes, des volailles, des pâtisseries ou des douilles d’obus ciselées par les poilus. La prohibition faisait rage aux États-Unis, et certains sammies abusaient du vin, de la bière et de la gnôle.

 

Alan Alfredo Geday

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