Ce jour-là, la foule est venue en liesse accueillir le couple présidentiel à Dallas. Les rues de Dallas sont bondées d’Américains. On espère tous voir le plus jeune président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, mais surtout son épouse distinguée Jackie, défiler dans leur limousine bleu nuit. Dallas est une ville déchirée, et elle n’est pas démocrate. De jour comme de nuit, des tracts circulent dans les lieux publics de la ville clamant la culpabilité de John Fitzgerald Kennedy à la présidence. Ces derniers affichent : « Wanted for treason », l’accusant de haute trahison. On lui reproche son ingérence dans l’invasion de la baie des Cochons à Cuba, son incapacité à modérer les lois antiségrégationnistes, son retrait de la crise des missiles avec l’URSS. Les habitants qui bordent les rues de Dallas sont impatients. Ils sont émus à l’idée de voir le président et la première dame. L’avion n’a pas encore atterri à Dallas. Mais on se prépare déjà à un grand moment. Cette fois-ci, John Fitzgerald Kennedy a exigé que les marchepieds de la voiture, sur lesquels s’appuient les membres de la sécurité, soient supprimés, que la voiture soit décapotable et que le toit de plexiglas soit enlevé. Il veut ressentir l’émotion des Américains venus l’acclamer.
La première dame, Jackie Kennedy, a longuement hésité entre deux tenues : son manteau léopard ou un tailleur rose Chanel qu’elle a souvent porté lors de représentations officielles. Ce n’est pas un vrai tailleur Chanel, mais une imitation fabriquée aux USA. Il s’agit de modérer les dépenses et de se montrer fidèle au pays. L’attaché de presse de Jackie Kennedy espère qu’elle ne sera pas décoiffée lors de la parade et que son légendaire pillbox hat tiendra correctement en place. En attendant, Jackie est sereine. Elle a longtemps été mise à l’écart, et John Fitzgerald Kennedy veut lui donner plus d’importance : Il va même jusqu’à dire : « Je suis le type qui accompagne Jackie Kennedy.»
Un bouquet de roses rouges sépare le président de sa femme. Un bouquet de passion. La limousine remonte l’avenue encombrée de trois mille partisans. Les gens hurlent « Jackie ! » La première dame, aveuglée par le soleil, s’apprête à chausser ses lunettes. Mais son mari la retient : « Lors d’une parade comme celle-là, si tu portes des lunettes noires, autant rester chez toi. » Jackie plisse les yeux pour admirer la foule, et enfin, elle aperçoit un tunnel qui pourra la soulager du soleil.
Le cortège arrive lentement à Dealer Plaza. Trois éclats retentissent dans Dallas ! Les échos résonnent encore aujourd’hui ! Le trente cinquième président États-Unis est assassiné sous les yeux du public !
À l’hôpital, Jackie est aux côtés de son mari qui succombe. Ce tailleur rose qu’elle a porté pour cette occasion maudite, elle le gardera toute la journée pour montrer la barbarie des sudistes, l’effusion de sang des communistes, la cruauté de la mafia ou la seule folie d’un assassin. « Je veux qu’ils voient ce qu’ils ont fait à mon mari », répond-elle à ceux qui lui demandent de se changer. Jackie Kennedy connait la force des symboles. Elle a su si bien en jouer lors des réceptions à la Maison Blanche. Jackie Kennedy a atteint son but. Six mois après l’assassinat, un colis mystérieux arrive aux archives nationales. Que contient la boite ? Le tailleur, le sac à main, les chaussures et même les bas portés par l’ex-première dame à Dallas. La trace du crime doit rester intacte. Jamais le peuple américain ne devra oublier.
Alan Alfredo Geday