La Première Guerre a permis aux femmes de se montrer utiles, de travailler et de s’émanciper. Les suffragettes anglaises ont obtenu le droit de vote des femmes depuis vingt ans, mais en France, le combat est loin d’être gagné. L’Écho de Paris a écrit dans ses pages : « En certains pays, il y a plus de femmes que d'hommes qui travaillent en usine, et les conséquences, partout, sont les mêmes : peu de naissances, un fort pourcentage de mort-nés, et le désir croissant chez la jeune fille ou la jeune femme de délaisser son foyer. » On veut retrouver les femmes chez elles, en femmes d’intérieur, en bonnes ménagères, et on fait l’éloge des mœurs de l’avant-guerre.
Ces Parisiennes-ci sont dactylos, ouvrières, couturières et secrétaires, elles sont libres et indépendantes, et bien heureuses de profiter de leur jour de congé pour s’amuser sur le parvis de Notre-Dame. Noël approche à grands pas, les décorations illuminent Paris, et les vitrines sont féériques. Mais le parvis de Notre-Dame est le meilleur endroit pour se retrouver. Sans règle du jeu, elles entament la bataille. L’une d’elles ramasse la neige et forme une balle bien tassée. La première boule est lancée. Puis une deuxième la suit de peu. Ça ne semble prendre fin et ça les amuse. Les Parisiennes sont heureuses.
— Ce soir, débarrassons-nous de notre corset ! Fumons des cigarettes ! Allons danser ! s’enthousiasme Gisèle.
— Moi, je veux rencontrer des artistes ! Des peintres, des musiciens ! Je veux passer des nuits folles à Montparnasse, boire du champagne au Dôme et à la Coupole ! lui répond Jacqueline avant de lui lancer une boule de neige.
— Montparnasse n’est plus ce qu’il était ! Tout le monde est pauvre, on ne peut plus acheter les peintures de tes artistes ! Ils meurent de faim et ne sont plus drôles du tout ! se plaint Jeanne.
— J’ai prié pour la France au Sacré-Cœur de Montmartre ce matin, reprend Gisèle.
— Cette grosse pâtisserie à la chantilly ? Comment peux-tu aller prier dans cette église immonde ? Regarde Notre-Dame, elle est vieille, mais elle a de la classe ! se moque Jeanne.
— Moi, j’aime le nouveau ! J’aime ce qui est blanc, neuf, comme cette boule de neige !
Les temps changent, les mœurs aussi. Suzanne Lenglen porte une jupe plissée au tournoi de Wimbledon, et Jean Patou a mis au point un pantalon de femme pour glisser sur les pistes. Toujours considérées comme des êtres faibles, incapables de réfléchir, les Parisiennes se battent pour l’égalité. Et cette égalité, elles se permettent de la démontrer devant Notre-Dame de Paris. Et c’est une cloche qui sonne ! La cloche de Notre-Dame résonne dans la capitale en ce dimanche enneigé. « Vive la France, vive les Parisiennes ! » s’exclame Jacqueline en atteignant sa cible.
Alan Alfredo Geday