Les menuisiers, 1960
- alanageday
- 3 juin
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La définition du terme menuisier définit avant tout une personne qui travaille, façonne, ponce, scie et assemble le bois pour le rendre utile. Laars et Magnus apprennent déjà cet artisanat délicat, engageant et gracieux à l’école primaire en Suède. Ils se concentrent, et mettent toute leur âme dans leur passion : le bois. Quand Laars râpe la coque, Magnus manie le marteau pour terminer le ponton. Les deux ambitionnent de modéliser le colossal navire du Titanic. Ce géant des mers donne déjà des frissons à Magnus. « Y a du travail ! Y a du boulot à faire ! La tâche ne sera pas facile ! » La râpe monte et remonte sur la coque du futur Titanic pour façonner le bois. Et dans cet atelier de l’école primaire, aucun outil ne manque. La lime pour affiner, le rabot pour aplanir l’ouvrage, le ciseau à bois pour entailler, la gouge pour les formes arrondies, l’éponge abrasive pour poncer les rondes et enfin la cale pour poncer les surfaces. Laars en est fier. Il s’empare des tenailles pour retirer un clou mal positionné.
La menuiserie existait déjà au temps des Pharaons. Des lits, des coffres, des tabourets, des vantaux de porte, des cercueils, rendent compte de l’exceptionnel travail des essences que les Égyptiens avaient fait venir des pays voisins. Le cèdre du Liban, l’ébène du Soudan. Les pharaons ne trouvaient que des palmiers et des sycomores sur leurs terres. Ils savaient déjà assembler des tenons et des mortaises, sans l’aide de clous. Les Égyptiens utilisaient la scie, le ciseau, la hache et l’herminette. Ils étaient même capables d’ajouter des moulures à leurs pièces. Chez leurs voisins hébreux, le travail du bois était tout aussi reconnu. Pourtant, le premier Livre des Rois dans la Bible nous apprend que ce sont des menuisiers phéniciens qui avaient décoré le temple et le palais de Salomon, des planchers de sapin aux lambris de cèdre. « Hiram, roi de Tyr, lui avait fourni du bois de cèdre et de genévrier, et de l'or, tant qu'il en avait voulu... »
Aujourd’hui, les menuisiers n'échappent pas à la règle des corporations. Toutefois, dans Le Livre des métiers d'Etienne Boileau, publié autour de 1270, la profession n'existe pas encore en tant que telle. La corporation des charpentiers comprend, outre les charpentiers eux-mêmes, les huchiers, qui fabriquent les meubles, les huissiers, chargés des huisseries, les tonneliers, les charrons, les couvreurs... Les petits objets sont du ressort des tabletiers, qui les réalisent en bois et en os, mais à qui est interdite la fabrication de tables.
— Le jour où l’on inaugure le Titanic, on le fera sur l’eau ! lance fièrement Magnus.
— Tu ne penses pas que ça va couler ! s’inquiète Laars. Ces morceaux de bois commencent à peser ! En tout cas, notre beau bateau prend forme… Ce n’est qu’une question de temps.
— Couler ! Mais jamais le bois flotte et il y a aussi la poussée d’Archimède ! explique consciencieusement Magnus.
— La poussée de quoi ? s’étonne Laars.
— La poussée d’Archimède ! Quand on plonge quelque chose dans l’eau, l’eau de la mer exerce une force qui s’oppose à la lourdeur de la chose. Par exemple si à la fin notre Titanic pèse douze kilogrammes, il ne pèsera que 5 kilogrammes quand on le posera dans l’eau pour le présenter aux enseignants !
— Qu’est-ce que tu racontes ? demande Laars avec une pointe d’énervement. Si le navire pèse douze kilogrammes, alors il pèse douze kilogrammes ! Me racontes pas des bêtises !
— À ce moment-là, il va couler dans l’eau, Laars. Ça ne va pas flotter !
— Le bois flotte toujours, même les troncs d’arbre flottent dans les rivières… Mais vient pas m’expliquer tes histoires de poussée ! Ça ne marche pas comme ça ! Pour flotter, il faut du bois et pour couler il faut du poids !
— Comme le Titanic ! conclut Magnus.
La sonnerie de l’école primaire retentit. L’atelier de menuiserie est terminé. Laars dépose sa râpe avec amertume et Magnus range son marteau sur l’étagère. L’heure est venue pour les deux camarades d’apprendre les animaux. Rien de plus embêtant. Rien de plus ennuyeux. Les animaux, la savane, la forêt et les tropiques.
— Mince ! s’énerve Laars. Il faut y aller ! Le cours des animaux maintenant !
— On n’a pas le choix ! Demain on reviendra pour terminer la coque et le ponton ! le réconforte Magnus.
Alan Alfredo Geday