top of page

Lee Harvey Oswald, 1963


 

 

Aujourd’hui, Mickey Cohen invite tous ses convives à déjeuner dans un restaurant huppé de Chicago. Il souhaite en savoir plus sur une rumeur, sur un homme, sur un soi-disant communiste. Il a convoqué deux journalistes à cet effet, et deux hommes d’affaires très puissants qui pourront l’éclairer sur le propos. Enfin des hommes d’affaires ! Ce sont des fabricants d’armes qui exportent quand bon leur semble, quand la guerre sévit au Vietnam, quand il s’agit de s’enrichir au mépris des soldats américains morts pour la Nation, quand il s’agit d’appuyer la guerre au plus haut rang pour vendre des armes. Peu soucieuse, sa femme blonde et coiffée d’un chignon sirote son verre de vin blanc, pendant que le serveur débarrasse les carcasses de langouste de la table. Elle ne comprend absolument rien à tout ce tralala. Elle ne pense à rien d’autre qu’à Las Vegas où elle peut miser de l’argent, où elle se sent vivante, où elle se sent importante et regardée. Ici, à Chicago, elle n’est rien d’autre que la femme de Mickey Cohen, une accompagnatrice, une chandelle. Le repas n’est pas terminé, et le garde du corps de Mickey Cohen paie la note. Il fait signe à la femme de Mickey Cohen de ne pas broncher. Les discussions vont bon train, l’ambiance est enjouée.

 

Mickey Cohen est une icône à Chicago. Il a été convoqué dans les tribunaux de justice pour des meurtres qu’il n’a jamais commis. Enfin, tout le monde le comprend ! Il a écopé d’une peine de dix ans de prison pendant la prohibition à San Francisco. Mais il a été relâché pour des raisons de santé. Seule sa femme le comprend ! Il a été accusé de corruption, de proxénétisme, d’organisation de réseaux illégaux, de fréquentation d’hommes recherchés par la justice, de dissimulation d’argent. Bref, Mickey Cohen n’est pas un homme très propre. Il demande des comptes et des explications à tous ceux qui l’entourent quand lui estime qu’il n’a aucun compte à rendre à qui que ce soit.

— Pourquoi ce déjeuner ? demande un homme d’affaires.

— Je voulais en savoir plus sur cet homme de la Nouvelle-Orléans…, demande Mickey Cohen avec courtoisie.

— Ce n’est rien d’autre qu’un communiste. Il distribue aux passants des tracts en faveur du régime de Fidel Castro. Les services secrets l’ont repéré, et la police l’a maintes fois arrêté.

— Pourquoi ne pas le foutre en taule une fois pour toutes ? demande Mickey Cohen. C’est pas normal…Des tracts communistes dans les rues, ici aux États-Unis. Avec la crise des missiles de Cuba, Castro ne risque pas d’attaquer le sol américain. Et l’Union soviétique ne veut pas d’une guerre… Que fait cet homme à la Nouvelle-Orléans ? demande Mickey Cohen.

— Il porte plusieurs noms selon les services secrets, répond un journaliste. On ne sait pas trop ce qu’il fait, ce qui se trame derrière ces tracts…Mais c’est un communiste ! Ça, c’est sûr !

— Je veux un nom, dit Mickey Cohen.

— Lee Harvey Oswald est son nom. Il se fait appeler Lee Harvey Oswald, explique un homme d’affaires.

— Lee Harvey Oswald est un communiste. Mais je pense que les services secrets ne veulent pas l’arrêter. Ils veulent le laisser faire, je pense, continue un journaliste.

— Faire quoi ? demande Mickey Cohen.

— On ne sait pas trop, mais il pourrait servir de tireur pour un assassinat de grande importance…

— Vous parlez de Kennedy ? demande Mickey Cohen.

— On ne sait pas…

— Qui pourrait assassiner le président des États-Unis ? demande Mickey Cohen. Donc vous êtres en train de me dire que ce Lee Harvey Oswald est capable de l’assassiner ?

 

Alan Alfredo Geday

bottom of page