C’est le couronnement de ma mère Elizabeth II, et je m’ennuie. Si ce n’était pour ma grand-mère, Elizabeth la reine-mère, qui m’a dit de bien me comporter, je ne serais pas venu au couronnement de la future reine du Royaume-Uni. Si ce n’était pour ma tante derrière moi, la princesse Margaret qui ne cesse de me dire de sourire, je n’aurais jamais fait acte de présence à cette célébration traditionnelle. Et que de traditions ! Parce que je pense que tout ça, ce ne sont pas des traditions ! Quitter Buckingham Palace en direction de l’abbaye de Westminster dans un carrosse doré, semblable à celui que l'on peut voir dans les contes de fées, c’est de la foutaise. Et ce cortège royal qui escorte ma mère, la reine, le jour du couronnement, est composé de la Brigade des gardes, des contingents des forces armées des nations du Commonwealth, mais aussi des carrosses transportant les chefs d'État et les têtes couronnées. Moi n’y crois pas trop à ce couronnement. Je ne crois pas au règne de ma mère, la future reine d’Angleterre. Et puis aussi, regardez-moi cette longue robe blanche brodée ! Elle est peut-être belle mais qu’est-ce que ça peut me faire à moi le prince Charles ? La reine porte une robe de soie blanche signée Norman Hartnell, brodée avec les différents emblèmes floraux des nations du Commonwealth : la rose pour l'Angleterre, le chardon pour l'Écosse, la feuille d'érable pour le Canada, la fougère de Nouvelle-Zélande, la fleur de Lotus de Ceylan...Je n’ai pas oublié ! Je n’ai pas oublié de vous dire ce détail discret ! C’est une surprise assez ennuyante. Du moins, moi qui m’ennuie, je la trouve ennuyante ! Les couturières ont brodé sur un côté de la robe un minuscule trèfle à quatre feuilles, symbole porte-bonheur. Comme c’est ennuyant ! Et vous savez le plus ennuyant dans cette histoire, c’était de voir ma mère s’entrainer dans les couloirs de Buckingham Palace à se mouvoir aves des draps. Et aujourd’hui, ce sont sept demoiselles d’honneur qui soutiennent la longue traîne de la cape en velours pourpre d’une longueur de cinq mètres.
— Comporte-toi bien Charles ! me chuchote Margaret.
— Charles, ça suffit comme ça ! Redresse-toi… me murmure ma grand-mère.
Je m’ennuie. Moi je veux absolument voir cette couronne sur la tête de ma mère. Et voilà ma mère qui prononce devant l’autel le serment du couronnement, promettant de rendre ses jugements selon la loi et la justice, de défendre la religion protestante et de protéger l’Église d’Angleterre, jurant aussi de gouverner chacun des pays dont elle a la responsabilité selon leurs lois et coutumes respectives. Mon père Edouard, assis à côté ,reçoit l'onction de l'archevêque de Canterbury. Le voilà qui lui remet les deux sceptres royaux, l'orbe et la cape. Moi j’attends ce moment depuis le début de la cérémonie. Depuis le défilé dans les rues de Londres, depuis le carrosse orné d’or, depuis la messe à Westminster Abey, depuis tout ça !
Puis quelqu’un pose la couronne de Saint Édouard, un joyau orné de plus de 400 pierres précieuses et pesant deux kilos, qu'elle portera uniquement après avoir été officiellement sacrée reine, sur la tête de ma mère. Ma mère doit lire le discours. Il ne fait pas qu’elle baisse la tête pour lire le discours, elle doit l’élever sinon elle risque de se briser le cou. Maintenant, Il est de mon devoir de dire : « God save the Queen ! » Ma mère est reine d’Angleterre. C’est la reine de tout un Royaume. Déjà là, je m’ennuie moins.
— Tu vois Charles ! Tout va bien, non ? me demande ma tante Margaret émue par le couronnement de sa sœur.
— Allez ! On va sur le balcon ! dit ma grand-mère la reine mère Elizabeth.
Un représentant enlève la couronne de la tête de la reine d’Angleterre et pose une couronne plus légère pour la sortie sur le balcon. Cette dernière est ornée du saphir des Stuart, du rubis du prince Noir et du mythique Cullinan II, un diamant de 300 carats. À l’extérieur, des millions de Britanniques sont venus assister à l’apparition de la nouvelle reine sur le balcon. Accompagnée des membres de la famille royale, la reine Elizabeth II fait sa première apparition au balcon du palais de Buckingham en début d'après-midi, face à la foule venue l'acclamer.
« On veut la reine ! » s’exclame la foule.
Alan Alfredo Geday
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