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Le pardon des Terre-Neuvas, 1938


Getty Images

 

Les Bretons ont baptisé avec fierté un certain nombre de sites sur lesquels ils se sont installés. Les Terre-Neuvas doivent leur nom à l’île de Terre-Neuve où ils découvrirent d’importants gisements de morue au XVIe siècle. Mais ce n’est qu’un siècle plus tard que se développa un vrai circuit commercial, sous l’égide des armateurs malouins. Il sera d’ailleurs à l’origine de la fortune de la ville bretonne de Saint-Malo. Ainsi le matin, avant un départ de huit mois en pleine mer, le mousse parcourait d’abord le bateau en répétant cette invitation « à la prière, avant arrière depuis l’étrave jusqu’à l’étambot, réveille qui dort ». Le mousse, c’est ce jeune garçon qui veut apprendre le métier de marin. Il appartient à la famille de chaque chalutier.  Ensuite, il descendait allumer la chandelle du bon Dieu et s’écriait : « La chandelle du Bon Dieu est allumée. Au nom du Saint Dieu soit alizé. Au profil du maître et de l'équipage, bon temps, bon vent pour conduire le bateau, si Dieu plaît ». Ainsi, le plus vieux matelot, aussi connu sous le nom de « curé » récitait à haute voix la prière :

 

Vierge Sainte exaucez-nous

Notre espoir est tout en vous

Notre-Dame de la Garde

 

Les navires partaient de toute la Bretagne pour un long périple. La pêche à la morue nourrissait ainsi, pendant près de cinq siècles, un secteur économique représentant plusieurs milliers d'emplois. Elle rythmait tout le pays de Saint-Malo et de la baie de Saint-Brieuc, de la côte à l'arrière-pays, où se recrutaient les marins : les départs de la pêche en mars et les retours en septembre. On festoyait et on se saoulait avant le départ. La pêche à la morue alimentait également les peurs et les croyances, car si l'océan offrait une vision pacifique et méditative de la création, il était également la source de redoutables frayeurs. Pour les marins, la mer en furie s'apparentait à un phénomène métaphysique surnaturel. Les flots et les abysses étaient les demeures privilégiées de Lucifer et de ses acolytes agités. Ainsi, l'océan restait à la fois un espace redouté et redoutable, mais nécessaire tant pour la nourriture du corps que pour le salut de l'âme. Les marins pêcheurs avaient donc développé de nombreuses manifestations propitiatoires où se mêlaient sans discriminations signes païens et chrétiens, cherchant ainsi à sacraliser l'espace où ils vivaient, travaillaient, priaient et souvent mouraient. Sur tout le littoral français, chaque port de pêche avait sa bénédiction de la mer. Ces manifestations spirituelles attiraient à chaque fois une foule nombreuse.

 

Les habitants de Saint-Malo se réunissaient dans le port, sous l’égide du prêtre de l’église. La brise et le crachin étaient souvent au rendez-vous. Les voiles des bateaux clapotaient dans le ciel ombrageux. Tous les navires et les chalutiers recevaient une protection divine. Les enfants portaient des drapeaux et des bannières dédiés à la mer, et parfois même une réplique en bois d’un bateau de pêche. Les femmes de marins organisaient une quête dont la somme serait reversée pour les œuvres paroissiales et les secours marins. Après le départ, les habitants de Saint-Malo entamaient une procession jusqu’à l’église, pour célébrer la messe. On y recevait le pain béni et les brioches coupées en morceaux, offertes par des dames bien chapeautées. Le plus émouvant de cette cérémonie était la fin. Les habitants de Saint-Malo chantaient en chœur en hommage à la Vierge :

 

Très digne mère de Dieu

Soyez notre sauvegarde

Pour nous défendre en tout lieu...

 

Alan Alfredo Geday

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