« L’Égypte est un don du Nil », avait écrit l’historien grec Hérodote.
Le Nil est né d'une déchirure de la Terre, il y a trente millions d’années. C’est le plus grand et le plus majestueux fleuve du monde. Dans l’Égypte ancienne, on adressait des prières au Nil, ce fleuve nourricier et fertile. On cultivait des céréales dans le limon noir du Nil, et on pêchait de beaux poissons dans ses eaux limpides. Les roseaux frémissants du Nil devenaient papyrus, support d’écrits et de culture. Les felouques et les canges à rames filaient sur les eaux dans la lumière blanche de l’Orient. Le Nil était le nombril de l’Égypte, toutes les grandes villes s’élevaient à son abord.
Le pharaon donna l'ordre à son peuple d'assassiner tous les nouveau-nés mâles parmi les Hébreux. Ainsi, des brutes envahirent les villes, des couteaux à la main, tuant les enfants devant les yeux terrifiés des parents. Il fallait épurer la population d'Égypte et tuer dans l'œuf toute rébellion à venir. Les Hébreux étaient une menace. Yokheved donna naissance à un fils. Il était si beau quand on le déposa sur son ventre. Il semblait auréolé de lumière et de grâce. Mais Yokheved avait peur pour son fils, il était condamné à mort, à peine venu au monde. Elle le cacha pendant des jours, des semaines, des mois. Nul ne devait le voir, nul ne devait connaître son existence. Elle apaisait ses larmes, le serrait contre sa poitrine pour étouffer ses pleurs. Yokheved prit un matin la décision la plus douloureuse qu'une mère peut prendre. Elle enveloppa son fils d'un linge, elle l'embrassa tendrement sur le front et le déposa dans une corbeille, aux abords du Nil. Elle pria le Nil pour qu'il prenne soin de son fils. Sa prière fut si longue et dévouée qu'elle vit disparaître la corbeille, et son enfant partir, ballotté sur l'infini bleu. Les roseaux chantaient. Les hérons cendrés levaient leurs longues pattes avec mélancolie. L'enfant était sauvé, elle en était certaine.
La fille du pharaon se baignait dans les eaux du Nil avec ses suivantes. Il flottait un air de mystère au-dessus du fleuve, comme une nuée inconnue, comme un nuage qui disparaissait, et qui laissait apparaître ce que la fille du pharaon devait récupérer. La fille du pharaon avait ressenti un malaise. Quelque chose se profilait. Mais qu’est-ce que c’était ? C’est alors qu’une des suivantes s’exclama : « Un panier d’osier flotte sur les eaux ! Regardez ! Peut-être contient-il un message ? » La fille de Pharaon nagea pour atteindre la corbeille qui naviguait sur le fleuve. Elle entendit les soupirs, les lamentations, puis la joie d’un nourrisson qui lui esquissa un sourire. Qui a bien pu abandonner son enfant sur le Nil ? Il ne pouvait être qu'un enfant hébreu. « Comment t’appelles-tu ? » demanda la fille de Pharaon quand une suivante portait le bébé, et quand une autre lui caressait ses pieds frileux. La fille du pharaon posa sa main sur son front et sentit sa chaleur, la douceur de sa peau. Il n’avait pas de nom, et le panier ne contenait aucune missive. Mais quelle beauté ! Ses yeux d'un noir profond comme le limon du Nil ! Il ne pleurait pas, mais ne semblait sourire qu’à la fille de Pharaon. Un vrai homme celui-là ! Elle décida de l’appeler Moïse, ce qui voulait dire « sauvé des eaux ».
Le pêcheur lance son filet dans le Nil. Le fleuve est rempli d'Histoire, et chaque matin, il contemple le soleil se lever sur les eaux mystérieuses. Quel enfant sera sauvé des eaux pour défendre les opprimés de ce monde ?
Alan Alfredo Geday
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