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Le jour le plus sombre, 1944


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C’est la plus grande flotte jamais vue dans l’histoire de l’humanité pour un débarquement. Le jour le plus sombre, 6939 navires naviguent vers les côtes normandes pour mettre fin à la guerre mondiale et au IIIème Reich.

 

Le débarquement se compose principalement d’hommes de la US Navy et de la Royal Navy britannique. Le jour le plus sombre est maudit par le ciel. La houle déferle sur les navires de guerre, la mer agitée se déchaine. Le fracas des vagues gifle le visage des soldats. Pauvres soldats ! Ils se morfondent dans le brouillard, ils prient, ils veulent mettre fin à ce calvaire, ils veulent toucher la terre ferme. Là-bas, ils mourront, peut-être, mais ils n’attendront plus. L’attente est la pire des tortures. Leur imagination les accable. L’ennemi est féroce sur ces terres étrangères. Mais l’honneur les tient debout. Leur famille pense à eux, Dieu les regarde, l’armée les surveille. Ils pensent à leur épouse, à leurs enfants, à ceux qui les aiment. Ils pensent à ces proches qui recevront un courrier bientôt, et qui s’effondreront. Ils voient déjà leur nom sur un monument aux morts, érigé sur une place publique. Leur nom parmi des milliers sur les archives. Leur nom pour toute trace de leur passage dans cet enfer.

 

La traversée est plus longue qu’ils l’imaginaient. Plus dure aussi. Les côtes françaises sont si proches à vol d’oiseau, mais si loin dans la tempête. Le temps est devenu irréel, il s’étire sans jamais s’arrêter. Les soldats échangent des regards compatissants. Ils sont tous condamnés. Ce grand blond va mourir. Cet adolescent imberbe aussi, sans doute. Et ce petit roux à la moustache bouclée, qui fume une cigarette en tremblant, à qui va-t-il manquer ? Une étrange amitié naît entre les soldats. Personne d’autre ne peut savoir. Personne ne peut ressentir ce qu’ils ressentent, là, maintenant. Personne ne peut imaginer ce qui leur tord les boyaux. Ils sont camarades de guerre, unis dans le désespoir.

 

Le jour le plus sombre, ce sont ces nuages gris qui assombrissent le ciel. Le jour le plus sombre, c’est la mer impétueuse qui empêche les navires de fendre les vagues. Le jour le plus sombre, c’est cent cinquante mille hommes qui prient. Le tonnerre gronde. Comment peut-on oublier ce jour ? Et pourtant, les soldats n’ont encore rien vu. La terre approche, des détonations retentissent. Des balles sifflent. Des cris fusent, ardents et rauques. La guerre est à quelques pas. Les premières bombes sont lâchées. Leur foudre rejoint l’orage. De grands tourbillons rouges pénètrent le ciel. Les premiers hommes périssent.

 

Enfin, les soldats posent un pied sur le rivage. Il faut avancer. Il faut continuer d’avancer. Les secondes sont infinies, et chaque pas est une chance de vivre encore. Les mitraillettes vrombissent, les soldats tombent, les uns après les autres, les uns aux pieds des autres. Le sang inonde la mer. Il faut continuer d’avancer, et on enjambe les corps de ses camarades jusqu’à la prochaine rafale. Les soldats se couchent et rampent sur la plage. On donne des coups de coudes aux cadavres, on entend les balles crisser au-dessus du casque. Avancer, toujours avancer. Vingt mètres déjà est un exploit.

 

Alan Alfredo Geday 

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