« Des milliers d'entre vous ont dû quitter leur foyer et ainsi se séparer de leurs proches. Ma sœur Margaret et moi compatissons à votre sort. Nous savons, par expérience, comme il est difficile de vivre loin de ceux que l’on aime le plus. À vous, qui vivez dans un nouvel environnement, nous adressons un message de sympathie, et en même temps, nous tenons à remercier les aimables personnes qui vous ont accueillis chez eux », s’exprime-t-elle face au micro de la BBC. « Nous savons, que tout finira par s’arranger, car Dieu prendra soin de nous et nous donnera la victoire et la paix. Et quand la paix viendra, souvenez-vous que ce sera à nous, les enfants d’aujourd’hui, de faire du monde de demain un endroit meilleur et plus heureux. Ma sœur est à mes côtés et nous allons toutes les deux vous dire bonne nuit » conclut-elle.
Le Blitz, cette guerre éclair menée par le Troisième Reich, menace de détruire Londres et ses environs. Pas un jour dans la capitale du Royaume sans qu’un missile ne s’abatte sur la population ! Pas un jour sans les bombardements aériens et les incendies ravageant tout sur leur passage ! Les sirènes lancinantes, inquiétantes, résonnent dans les ruelles, s’infiltrent dans les foyers, et l’on part se protéger dans les abris du métro. On attend, des heures durant, de pouvoir sortir, frissonnant dans le gris morose des couloirs souterrains. On se couche sur des couvertures, en chien de fusil, serrant son enfant contre sa poitrine. La nuit sera longue. On se parle à peine, on demande de l’eau, quelque chose à manger, on se lance des regards compatissants. Dehors, on se protège d’un masque à gaz, grand bec d’oiseau à la respiration fantomatique qui inquiète les enfants. Londres est à feu et à sang, et les citadins d’exilent vers la campagne.
Trois millions de personnes évacuent les villes bombardées à travers le royaume et ses colonies. C’est au côté de sa jeune sœur Margaret qu’Elizabeth II prononce son discours, dans leur château familial de Windsor. Son père le roi George VI refuse catégoriquement de quitter Londres malgré la volonté des autorités d’évacuer la famille royale vers le Canada. Il faut se battre jusqu’au bout. Les Anglais n’abdiqueront pas ! La Royal Air Force sera la grande gagnante de cette bataille ! Et la future reine du royaume, du haut de ses quatorze ans, n’est pas la seule à se mobiliser pour la guerre. « Au nom de tout ce qui nous est cher, de l'ordre et de la paix du monde, il est impensable de refuser de relever le défi ! » dit le roi George VI au micro de la BBC. « Pour la deuxième fois dans la vie de la plupart d'entre nous, nous sommes en guerre », déclare-t-il. « Ils nous ont contraints à un conflit, avec nos alliés, nous devons faire face à un principe qui, s'il devait l'emporter, serait fatal à tout ordre civilisé dans le monde. La tâche sera dure. Il peut y avoir des jours sombres à venir et la guerre n'est plus confinée au champ de bataille », prévient-il.
« Les filles ne partiront que si je le fais. Je ne partirai que si leur père le fait, et le roi ne quittera le pays en aucune circonstance », exprime la femme du roi George VI très clairement au peuple britannique. Et ces filles sont, bien sûr, les princesses Elizabeth et Margaret. Parmi les dégâts causés au palais lors du Blitz, les Anglais se souviennent de cet instant où George VI et sa femme prenaient le thé, lorsque tout à coup, ils entendirent le « bourdonnement indubitable » d’un chasseur allemand. Le couple royal s’enfuit en courant. Deux bombes tombèrent à quelques mètres seulement de l'endroit où le couple était assis, une troisième détruisit la chapelle et les autres creusèrent de profonds cratères à l'avant du bâtiment. Ce n'était ni la première ni la dernière fois que le palais fut attaqué pendant la Seconde Guerre mondiale : il y eut deux autres attaques cette semaine-là, et un total de neuf coups directs en cinq ans. Mais ce fut l’attaque la plus dangereuse.
Si le haut commandement nazi pensait que l'attaque du palais allait semer le désespoir au Royaume-Uni, il se trompait gravement. Car cela ne fit qu’augmenter la ténacité des Londoniens. « Je suis contente qu'ils nous aient bombardés. Maintenant, je peux regarder l'East End dans les yeux », plaisante la mère des princesses. Et c’est la principale contribution de la famille royale à l'effort de guerre. Ils incarnent cet « esprit du Blitz » mythique, celui du courage, de la résilience et de la solidarité, celui des affiches portant ces mots : « restons calmes et continuons ». Celui des enseignes dans les vitrines des magasins disant « Londres peut le prendre » ou « bombardé mais pas vaincu ».
Alan Alfredo Geday
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