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Le bal de la Bourse, 1933


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Tôt ce matin-là, le 14 juillet 1789, un air de vengeance et de justice régnait à Paris. Le ciel était brumeux. Les Parisiens se réunissaient à tous les coins de rues craignant l’armée royale, et les régiments d’étrangers mercenaires aux services du roi. Les rassemblements grandissaient, la foule devenait immenses. On se comprenait, on se regardait dans les yeux, on compatissait avec l’injustice et les pauvres.  Il fallait agir, faire quelque chose contre le roi Louis XVI. Si intensément pensé, aussitôt exécuté. Les foules n’hésitèrent à prendre d’assaut l’Hôtel des Invalides pour s’emparer d’armes à feu, de mousquets et de canons entreposés dans ses caves. Les foules étaient nombreuses mais la plus grande était celle de la Bastille. L’armée royale capitula. C’est ainsi que l’on appela ce jour mémorable le jour de la Bastille. Des personnes emprisonnées à base d’actes royaux arbitraires allaient être libérées. Personne ne connaissait la raison de leur emprisonnement. Sept détenus furent libérés par les Parisiens. « La chute de la Bastille était la chute de toutes les Bastilles », s’exclama l’écrivain Victor Hugo. « C’était la fin de tous les esclavages, c’était la fête de toutes les nations. »

 

Depuis ce jour, sur la place de la Bourse, les Parisiens se rassemblent tous les ans pour célébrer la prise de la Bastille. On est orgueilleux, on organise un bal, on danse avec joie, on échange son partenaire, et on est fier.  Et ce n’est pas le krach boursier américain de 1929 qui va nous arrêter, ce n’est pas la dépression qui va nous stopper. Le 14 juillet est un jour important. Les femmes sont venues au bal, vêtues de leur plus belle robe. Les hommes sont tirés à quatre épingles. On est tous là : les maquignons, les maréchaux-ferrants, les forgerons, les vendeurs de journaux, les facteurs, les quincaillers, les charrons, les sages-femmes, les couturières, les gallochiers, et les tanneurs.

 

Marianne s’est faite belle. Cette midinette de vingt-quatre ans cherche Jean parmi la foule qui danse sur la place de la Bourse. Le 14 juillet est sacré, c’est un jour férié, c’est la fête de tous ceux qui travaillent et qui triment. Comment va-t-elle faire pour le retrouver ? Tous les hommes paraissent identiques avec leur costume trois pièces et leurs cheveux gominés, la tâche semble impossible ! Elle va essayer près de l’orchestre qui joue sous la tente montée spécialement à l’entrée de la Bourse. Ou, non plutôt cette vieille brasserie aux portes ouvertes sur le trottoir. Les hommes font la queue. On y sert du vin au verre pour cinq francs. Le voilà parmi les hommes. Elle le reconnait. « Jean ! » l’appelle-t-elle. Son gallochier est indémodable. Il porte toujours ses sabots à la perfection. C’est même lui qui les fabrique, c’est son métier. C’est un passionné ! Marianne s’amuse de le voir porter ses galoches. « J’ai envie de danser si le cœur t’en dit ! » lui propose Marianne. Jean s’empare de son verre de vin et en boit une gorgée. « Avec ces galoches, je ne risque pas de faire long feu ! » s’amuse-t-il.

 

Jean serre Marianne contre lui. Il la fait tourner, il la fait valser. Il essaye de ne pas faire trop de pas pour ne pas perdre ses sabots. Marianne est ravie, elle est aux anges. Elle peut rester danser à la place de la Bourse jusqu’au coucher du soleil. Oh hisse ! Jean la soulève à bout de bras. Elle lui esquisse un sourire, avant de l’étreindre pour retomber sur ses talons. Les deux s’aiment tendrement. Ils s’embrassent enfin dans la joie et l’amour.

 

Alan Alfredo Geday 

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