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La marelle, 1950


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En ce dimanche après-midi, les familles se sont réunies sur ce trottoir de Londres pour un jeu de marelle. Le jeu est simple, et il suffit d’une craie pour le créer. Julie ouvre la partie, elle s’élance à cloche-pied sur la marelle, gardant l’équilibre en ouvrant les bras autant que sa redingote le lui permet. Elle est habile à ce jeu, elle s’est exercée mille fois à la récréation, sur le bitume gris devenant le terrain de tous les possibles ! Plus sportif que le jeu de billes, moins difficile que les osselets, la marelle réunit toutes les fillettes de l’école. Il n’y a pas d’âge pour y jouer, et nul besoin de matériel ! Ses camarades lui préfèrent parfois la corde à sauter, qui lui fait concurrence, parce qu’elles peuvent chanter en balançant la corde :

 

« Entrez toutes ensemble,

les filles,Il fait beau, les filles,

Quand c'est votre anniversaire,

Entrez s'il vous plait…

Janvier, février, mars, avril,Mai, juin,

juillet, aout, septembre,Octobre, novembre, décembre.

Sortez toutes ensemble, les filles,Il fait beau,

les filles,

Quand c'est votre anniversaire,Sortez s'il vous plait… »

 

Malgré son succès dans les cours de récréation, la marelle n’était pas un jeu d’enfants à son origine. Et son origine remonte à très loin !  Un dessin de marelle a été retrouvé sur le sol du forum de Rome, datant de l’antiquité ! Le jeu n’est pas seulement pratiqué en Italie, les soldats romains l’enseignent aux peuples qu’ils conquièrent, et il s’étend autant que l’empire. Jusqu’au dix-neuvième siècle, il est plutôt réservé aux adultes, mais il devient ensuite le jeu préféré des enfants dans le monde entier. La marelle a une dimension symbolique et religieuse, puisqu’elle dessine des compartiments comme la Terre, l’Enfer, le Bouillon, le Reposoir, le Paradis et le ciel. Quant au labyrinthe qui forme le tracé, il pourrait se référer à la mythologie et au labyrinthe du terrible Minotaure.

 

Julie parvient sans trop de peine à gagner. Son petit frère Thomas l’applaudit. Lui n’est pas encore un expert de la marelle, et sa cagoule, que sa mère l’oblige à porter dès que le vent se lève, lui donne une visibilité réduite. Mais Thomas a les oreilles fragiles depuis qu’il a eu les oreillons, et il est hors de question de se débarrasser de sa cagoule en laine. Il préfèrerait une simple casquette, comme son petit frère John, qui se donne des airs de monsieur malgré ses quatre ans et son zozotement. À l’école, John se fait moquer à cause de sa mauvaise prononciation, et Thomas est obligé de montrer les poings. Sa cagoule a l’avantage de le faire passer pour un dur. Julie lui fait signe, c’est à son tour de viser le Ciel. Grand-père lui pose une main sur l’épaule pour l’encourager, il a aussi de mauvais souvenirs de la marelle, mais aujourd’hui, ses rhumatismes sont un bon prétexte pour ne pas participer. Car dans la famille, les adultes sont tout aussi joueurs que les enfants. Il n’y a pas d’âge pour s’amuser !

 

Alan Alfredo Geday

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