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La course des droits, 1968


Getty Images

 

Tommie Smith et John Carlos le savaient. Ils connaissaient leur destinée de retour sur le sol américain. Mais le jeu en valait la chandelle. « Lorsque l’hymne national américain résonnera aux yeux du monde, on lèvera le poing ! » Ils savaient qu’en levant leur poing ganté de noir lors de la remise des médailles aux Jeux olympiques de Mexico, ils allaient faire trembler l’establishment. Ils allaient réveiller les responsables et les consciences perverses, malicieuses et criminelles. Ils allaient enfin choquer le monde en dévoilant la vérité. Ils étaient américains sur deux-cents mètres. Mais Tommie Smith et John Carlos avaient donné toutes leur force pour l’emporter sur la haine et la ségrégation raciale qui régnaient sur le sol américain. Américains sur deux-cents mètres mais noirs pour le reste de leur vie.

 

Ils avaient levé le poing et baissé la tête en signe de protestation contre les mouvements sudistes américains, le harcèlement de noirs et les lois de séparation dans le mid west. Ils n’avaient pas hésité. Ils avaient attendu quelques secondes que l’hymne national américain retentisse pour lever le poing. Les responsables, c’était eux ! Les responsables, c’était les Blancs et leur haine ! Les responsables, c’était les Blancs et leur hypocrisie. Les responsables de jeux olympiques de l’équipe américaine étaient humiliés. John Carlos et Tommie Smith avaient osé lever le poing ! Ça touchait à l’honneur et à la suprématie de toute une nation.

 

Les athlètes furent accueillis chez eux en héros par leurs proches et leur famille. Les Noirs américains se sentirent soutenus et honorés par ce geste de solidarité et de bravoure. De la Louisiane au Bronx, du Queens au Mississipi, les noirs américains avaient applaudi et les suprémacistes avaient tremblé. Ils avaient même fait trembler la Maison Blanche. Le président Lyndon Ben Johnson était furieux, outragé et déboussolé. Les athlètes furent interrogés, bafoués et même menacés de morts par les suprémacistes. Leur courage était puni chaque jour. Et surtout, ils furent exclus à vie de l’équipe américaine. Leur carrière était ruinée. Ils étaient mis au ban de la société.

 

Ce n’est que récemment qu’ils furent accueillis à la Maison Blanche par Barack Obama. C’était discret, ils avaient œuvré à leur façon à l’égalité des droits sur le sol américain. « Les Comités internationaux olympique et paralympique ne peuvent continuer à punir ou écarter les athlètes qui prennent la parole pour défendre ce en quoi ils croient, en particulier quand ces convictions incarnent les objectifs de l’olympisme », affirmera-t-on. Tommie Smith et John Carlos avaient sacrifié leur carrière mais ils avaient osé.

 

John Carlos affirma ainsi, plus de cinquante ans après avoir été exclu à vie de l’équipe américaine : « Nous avons sacrifié notre carrière mais nous avons aidé tellement de monde. Nous avons compris que la plus grande invention n'était ni l'avion, ni la télévision, ni le téléphone, mais la gomme : comprendre qu'on peut faire des erreurs dans la vie et qu'il ne doit pas y avoir de honte à les effacer. Je pense que le Comité est arrivé à cette conclusion ». Les Américains n’oublieront jamais les poings noirs. Ce geste restera à jamais gravé dans leur mémoire.

 

Alan Alfredo Geday

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