La courageuse Romanov, 1935
- alanageday
- 26 mai
- 3 min de lecture

L’été, sur la corniche de Yalta, la petite Romanov aimait faire décoller son cerf-volant. Son cousin Nicolas se moquait de ses ambitions, elle qui voulait devenir pilote ! Lui deviendrait tsar de Russie, et ne se préoccupait pas de son avenir. Mais sa cousine était aussi obstinée que courageuse. Elle tenait tête à leur grand-mère, qu’ils appelaient « Babushka », quand cette dernière l’obligeait à plus d’assiduité pour les cours de piano, de peinture, et surtout de bonnes manières. « Qu’est-ce qu’on vous apprend à l’école de jeune-filles de Saint-Pétersbourg ? » s’agaçait-elle devant sa petite fille qui relevait sa robe pour courir sur la corniche, son cerf-volant au-dessus d’elle.
Son cousin Nicolas dirigeait la Russie, et elle était bien décidée à lui faire une demande inhabituelle. Il avait tous les pouvoirs, il était donc le seul à pouvoir accéder à sa requête. « Je veux être pilote ! Je veux rejoindre l’escadron royal ! » lui annonça-t-elle de but en blanc, lors d’un fastueux bal masqué qu’il donnait au Palais d’Hiver. Nicolas II ne la prit pas au sérieux. Comment une femme de la famille royale pouvait-elle devenir pilote ? Mais, dans leur villa de Yalta, les Romanov discutaient de tout à l’heure du thé. De l’économie à la condition du peuple russe, des guerres contre le Japon à la grandeur de Saint-Pétersbourg. Ce fut officiel quand la cousine de Nicolas II refusait de discuter, de fréquenter les prétendants qui lui étaient introduits. « Cette fille n’est pas faite pour le mariage, elle n’est pas faite pour l’église ! » s’étonnait souvent Babushka. La cousine Romanov voulait être libre, être responsable et prendre son indépendance. Elle expliqua à Nicolas ses rêves. Les nuages, le ciel bleu, la Russie et surtout l’aventure !
La Première Guerre mondiale éclate. La courageuse Romanov a appris à voler. Elle a été formée dans l’armée de l’air impériale russe, l’une des forces aériennes les plus puissantes du monde. On ne la regarde pas d’un mauvais œil. Elle sait se faire respecter. C’est une femme de sang royal, et on l’appelle « la courageuse Romanov ». Elle n’a jamais froid aux yeux et elle n’a rien à envier à ses collègues masculins. Ainsi, elle est aujourd’hui à bord du meilleur bombardier, un Ilia Mouromets ! Il possède quatre moteurs Renault blindés d’acier, et peut transporter jusqu’à huit cents kilos de bombes ! Au départ, cet avion a été conçu comme un avion de transport luxueux. Il avait même un salon chauffé, une chambre à coucher et un bain, mais la Première Guerre l’a transformé en bombardier. Les Russes ont vendu la licence aux Britanniques et aux Français, leurs alliés, mais il est hors de question que les Allemands puissent en connaitre les rouages et les plans ! La courageuse Romanov survole les paysages à perte de vue. Les champs défilent sous le bombardier, et les paysans la saluent d’un geste de la main. Elle n’est pas peu fière. Mais tout à coup, elle repère un avion ennemi qui pourfend les nuages. Ainsi, la courageuse Romanov décide d’effectuer un taran contre cet avion austro-hongrois, c’est-à-dire un abordage. Elle tire sur le levier et fonce droit sur l’ennemi. Son cœur tambourine dans sa poitrine. L’Ilia Mouromets tangue sous la pression, le vent s’engouffre dans la cabine. L’engin va bientôt se fracasser contre l’ennemi. Un bruit de ferraille retentit, elle perd les commandes de son avion, une aile est endommagée. Mais l’ennemi a sombré, c’est une victoire ! Elle regarde l’explosion spectaculaire. Il ne lui reste plus qu’à atterrir en urgence. Elle aperçoit un bois à l’orée d’un champ, et s’empresse de diriger l’Ilia Mouromets dans les branchages. La courageuse Romanov sort du taran saine et sauve ! Les paysans l’aident à descendre de l’avion. Elle est grièvement blessée, mais elle est une héroïne.
La courageuse Romanov est décorée en présence de la famille royale au Palais d’Hiver. Le peuple russe est ému, une Romanov est rentrée blessée du combat, une Romanov est fière de servir l’armée de l’air impériale, la cousine du tsar Nicolas II est triomphante !
Alan Alfredo Geday