Qui d’autre que le lion britannique peut libérer l’Italie ? Winston Churchill est un mythe de la Seconde Guerre mondiale. Il n’a peur de rien, et il n’a certainement pas peur de guetter les rues de la cité de Médicis dans ce petit appartement où il se cache. Une bombe vient d’exploser. L’écho se répand dans toute la ville de Florence. Winston Churchill n’est pas effrayé. C’est un jeu d’enfant pour lui, c’est un jeu d’échec dont lui seul connait les secrets. Les secrets de la puissante reine… Il colle son œil à sa longue-vue et observe la fumée blanche qui monte au loin, se mêlant aux nuages timides dans le ciel bleu. Le soleil est sauf, si blanc, si chaud, ce n’est pas une bombe qui l’amoindrirait. Des flammes lèchent les façades de la rue adjacente. La fumée devient noire et épaisse. De cris montent. Des gens courent, se bousculent, s’agitent. Une autre détonation, une poussière chargée de pierres s’engouffre dans les ruelles. Ce n’est pas une bombe, sans doute une bombonne de gaz ou un bidon d’essence. Le vent souffle doucement sur les débris qui courent sur les trottoirs. Des livres volants, des chaises légères, quelques jouets… Une femme se jette par une fenêtre. Personne ne la réceptionne. Elle se relève et s’enfuit en claudiquant. Un homme entre dans un appartement en flammes, il repart les bras chargés en crachant ses poumons. Le feu se répand sur la ville patiemment. Quelques soldats allemands arpentent les rues avec flegme, ils se croient invincibles, sans doute.
Winston Churchill aime la guerre, surtout quand il relève le défi d’écraser les troupes allemandes. « Ceci ne ressemble en rien à une carte postale », pourrait-il penser, « C’est la vie, la vraie. » Et il y a ces deux hommes allemands qui tombent à terre sous l’effet des mitraillettes alliées ! Et ce pont qui explose et s’effondre sous ses yeux ! L’histoire de Florence pendant la Seconde guerre mondiale reste ambigüe. L’Italie était alliée avec l’Allemagne nazie, mais après la chute de Mussolini, les Florentins se sont tournés vers les Britanniques et les Américains. Florence était le nid du fascisme, elle est devenue sa première victime avant d’être libérée par l’armée britannique. Les consignes données par Winston Churchill au commandant de l’armée de l’Axe en Italie, Albert Kesselring, est de ne laisser aucun avantage à l’armée nazie. Winston Churchill ordonne de faire sauter les ponts florentins, à l’exception du Ponte Vecchio. La première explosion a retenti il y a deux jours et elle est décrite par les Italiens réfugiés au Palazzo comme un tremblement de terre. Une foule se serait mise à crier à la suite de cette déflagration : « Ponti, Ponti ! » Les florentins aiment leur ville plus que tout et le Ponte Vecchio est sacré et ne doit pas être détruit.
Winston Churchill dépose sa longue-vue sur la table. Il entend des tirs de mitraillettes. C’est la routine. Il saisit une grappe de raisins. Il fait chaud en ce mois d’aout à Florence. L’un de ses hommes lui propose de fermer la fenêtre. Mais Winston Churchill refuse. Il veut faire une sieste, et espère profiter de la brise. Depuis le début de la guerre, il ne dort plus beaucoup. Une vingtaine de minutes toutes les quatre heures. Seul un cigare peut le reposer. Il se couche sur son matelas, surveillé par son homme de confiance. Il réfléchit aux prochaines tactiques de guerre, aux futurs ordres, comme un joueur d’échec. Ces jours-ci, il est lui le faiseur d’échec. Lui seul connait les moindres mouvements de la reine. Nord et Sud, Est et Ouest. Quand le roi sera prisonnier, alors la guerre sera terminée. Le soldat entend le lion ronfler. Une bombe vient d’éclater. La déflagration a fait trembler Florence, mais le lion n’ouvre pas les yeux.
Vingt minutes se sont écoulées. Le soldat réveille Winston Churchill qui se lève avec difficulté. Il reprend sa longue-vue et se positionne pour observer les toits de Florence. Quelle belle ville ! « Une très grosse déflagration pendant que vous dormiez, Monsieur ! » l’informe le soldat. Winston Churchill allume un cigare et répond quelques instants plus tard : « Je ne dors jamais, je réfléchis ! »
Alan Alfredo Geday
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