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L’art de Trafalgar dans les caves, 1942


Getty Images

 

« Enterrez-les dans des caves ou des grottes ! Aucun tableau ne quittera cette île ! » ordonne Winston Churchill au cours de la bataille de France. L’intention des Anglais est d’envoyer toutes les œuvres d’art de la National Gallery du square de Trafalgar au Canada. Il faut protéger la culture, il faut protéger la beauté. Les musées sont le dernier bastion contre les nazis, ils résisteront en étant vidés et disséminés. Les bombardements sur la ville de Londres n’ont pas cessé. Les nazis sont friands des œuvres d’art et sont bien décidés à piller l’Europe entière. La rumeur court que le maréchal Göring, le commandant de la Luftwaffe, collectionne tout genre de tableaux comme des trophées de guerre. Velasquez, Raphaël, Renoir, la liste est longue. Alors que la France subit l’Occupation, la plupart des tableaux de maître ont été réquisitionnés par le Troisième Reich pour décorer les maisons et les châteaux des généraux et des maréchaux. Mais personne ne peut envahir l’île, la Grande-Bretagne. « Nous n’abandonnerons jamais ! » a déclaré Winston Churchill sur les ondes de la radio britannique.

 

Sitôt dit, sitôt fait ! Les œuvres d’art et les tableaux de maître de la National Gallery sont décrochés des murs, ils sont emballés et transportés en lieu sûr. « C’est quel tableau ? » demande le premier homme. Personne ne connaît la valeur de ces chefs-d’œuvre, sans doute incommensurable. Les ordres sont stricts, et ils doivent être acheminés à travers le pays de Galles. « Qu’est-ce que cela peut te faire ? Manet ou Turner ? Il faut les emmener en lieu sûr ! » répond le deuxième homme. Les tableaux sont mis à l’abri dans des caves humides, et mieux vaut la moisissure que le déshonneur. Le patrimoine artistique anglais est en danger. La National Gallery de Trafalgar a été bombardée à plusieurs reprises. Va falloir attendre la fin de la guerre, va falloir être sauvé par la Royal Air Force !

 

— Combien de tableaux nous reste-t-il à acheminer ?

— Cent quatre-vingt-six au juste, répond le deuxième homme.

— Nous n’abandonnerons pas le combat !

— Les Allemands ont réquisitionné plus de quarante mille tableaux. En Pologne… en France. En Autriche aussi ! Il paraît qu’Adolph Hitler offre des tableaux aux membres du parti nazi pour leur anniversaire et pour les féliciter de leur exploit ! La dernière en date est un tableau de Giovanni Paolo Pannini offert au cours d’un très grand anniversaire.

— Les Français ont préservé les vitraux de la Grande Coupole. Ils ont démonté un à un chaque vitrail, et les résistants les ont cachés quelque part dans la zone libre.

— Que font-ils de ces tableaux, bon sang de bon Dieu ?

— Ils décorent leurs châteaux en Bavière. Je sais pas, mais c’est un scandale. Les tableaux de maître, comme Léonard de Vinci, sont en danger. Les nazis réquisitionnent tous ces chefs-d’œuvre !

— Comment peuvent-ils être sensibles à l’art ?

 

Tout à coup, les hommes entendent une bombe exploser. Les échos courent à l’intérieur de la grotte. Les hommes sont effrayés, ils se regardent avec inquiétude. « Ne t’inquiète pas, la Royal Air Force va s’occuper de ces salauds ! » dit le premier. Puis, c’est une série d’explosions qui retentit dans la grotte. Des échos de bombes interminables qui assourdissent les hommes sous terre. Le deuxième homme marmonne une prière. Les explosions continuent, elles sont lointaines et proches à la fois. « Un jour, on débarquera et on en finira avec cette invasion du démon ! » affirme le premier homme. Puis dans la profondeur de la grotte, ils déposent soigneusement le tableau de la Vierge à l’Enfant avant de repartir en chercher un autre.

 

Les explosions s’atténuent. Ça se calme. Les premières lueurs font leur apparition. Une autre journée de travail pour ces employés du musée du square de Trafalgar, pour ces défenseurs de l’art, pour ces héros.

 

Alan Alfredo Geday

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