La danseuse se prétend javanaise et hindoue et se fait connaître sous le nom de Mata Hari, qui signifie « œil du jour » en malais. Œil, elle le fut, comme on le sait, pour les services secrets allemands. Malgré sa peau mate et son goût pour les danses orientales, Margaretha Zelle, de son vrai nom, est Néerlandaise. Mais il s’agit de s’inventer une nouvelle identité, un personnage fantasmatique, pour piéger les hommes. C’est au cours de son séjour aux Indes néerlandaises avec son ex-mari, un officier de marine, qu’elle est tombée amoureuse de cette culture. Et elle a l’art de raconter des histoires. On dira qu’elle ment, qu’elle trompe, qu’elle trahit. Mais Mata Hari ne fait que raconter des histoires, sans jamais choisir son camp, elle se faufile et elle séduit. Elle n’a aucune conviction politique ou idéologique, mais elle aime se déguiser, tromper son monde et mener grand train. Elle raffole des hôtels luxueux, des voyages et des réceptions mondaines. Elle vénère le faste et la grandeur, l’argenterie et l’or, les colliers de diamants, et surtout les grosses sommes d’argent. Une liasse de billets à faire crisser entre ses doigts. Et puis, elle aime briller, qu’on la regarde, qu’on la désire. Elle est une étoile, elle est la beauté incarnée. C’est ainsi que le consul d’Allemagne a fait appel à elle quelques années avant la Première Guerre pour ses services. Mata Hari a besoin de s’enrichir, et les services secrets allemands ont besoin de renseignements. Le pacte est signé, l’alliance secrète est nouée. Mata Hari est baptisée l’agent H21.
L’agent H21 se sert de son esprit et de sa beauté à couper le souffle pour charmer des hommes haut placés, des industriels français, des fonctionnaires et des politiciens. Qui ne succomberait pas aux charmes d’une telle femme ? Elle est habile dans son travail, et elle en tire beaucoup de fierté. Mais un jour, l’espionne allemande tombe follement amoureuse d’un officier russe. Dès qu’elle l’aperçoit, son cœur vacille. Ses yeux sont d’un bleu plus pur que toutes les mers du monde. Son odeur musquée de guerrier la bouleverse. Et sa voix la console, elle qui se sent si seule finalement, dans ses chambres d’hôtel. Ils vivent ainsi leur amour en secret. Mata Hari est heureuse. Elle se sent complète pour la première fois de sa vie. Elle n’a plus besoin de mensonge, la réalité la comble. Ainsi, ils se font la promesse de toujours s’aimer, ce matin-là, nus dans les draps de soie. Les cheveux blonds de l’officier étincellent dans la lumière blanche du jour. Mata Hari passe la main sur sa joue et le regarde longuement. Ce visage, elle ne l’oubliera jamais.
En pleine mission secrète, Mata Hari apprend que son officier russe a été blessé au front. Son amour est au bord de la mort. Son amour, elle ne le reverra peut-être jamais plus. Il est hospitalisé à Vittel, à quelques heures de route. Il faut lui rendre visite, il faut le voir, il faut le sauver ou lui dire adieu. Il le faut. Mais pour se rendre à Vittel, elle a besoin d’un laissez-passer. Sans hésiter, elle en fait la demande à l’officier français du contre-espionnage, Georges Ladoux. Ce dernier connaît le talent de Mata Hari et décide de sauter sur l’occasion. Il lui propose alors de travailler au service de la France. Mata Hari a l’habitude d’obtenir ce qu’elle veut par tous les moyens et n’a aucun scrupule à signer ce nouveau pacte. Mata Hari devient alors un agent double, elle est l’agent H21 au service de l’Allemagne, mais elle est également au service de la France. Peu importe, Mata Hari se rend à Vittel au chevet de son amant.
La vie d’agent double est plus périlleuse encore que celle de simple espionne. Les services allemands percent à jour son secret et sa trahison. Ils envoient alors délibérément des messages cryptés mentionnant l’agent H21. Les messages sont, comme prévu, interceptés par le contre-espionnage français. Il est décidé de condamner à mort cette courtisane pour intelligence avec l’ennemi. Un beau matin, devant le peloton d’exécution, Mata Hari prononce ses derniers mots : « Prostituée, oui ! Mais traîtresse, jamais ! »
Alan Alfredo Geday
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