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Joyeux anniversaire, 1951

  • alanageday
  • 26 mai
  • 3 min de lecture

Getty Images
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Il est cinq heures du matin. Enthousiaste, Stephen Smith arrive à vélo à la station télégraphique d’Electra House à Londres. Il fait froid, le temps est brumeux mais pas une goutte de pluie. Il est le seul à détenir les clés de l’immense local du plus grand standard téléphonique de Londres. Ici, c’est lui le chef, toutes les opératrices obéissent ! Stephen Smith a revêtu son plus beau costume trois pièces pour mettre à l’honneur la cravate que sa femme lui a offerte ce matin pour son anniversaire. Aujourd’hui, il fête ses trente-huit ans. Et il ne doute pas que les opératrices vont lui souhaiter un joyeux anniversaire à leur façon. Stephen Smith travaille pour la station télégraphique d’Electra House depuis quinze ans maintenant. Il a vu l’équipe se renouveler, les jeunes femmes se former sur le terrain, les plus âgées partir à la retraite. Il connaît leur vie, leur quotidien et leurs tracas. Il aime son équipe comme une autre famille. Il est fier de sa carrière, il n’aurait pas rêvé mieux. Il a été embauché dès l’obtention de son diplôme de l’université d’Oxford, l’une des plus prestigieuses universités du Royaume-Uni. Il a étudié les ondes électromagnétiques et la communication avec une spécialisation en téléphonie. Il est le représentant d’une grande entreprise incarnant la modernité.

 

Le voilà qui entre dans le local. Il dépose sa veste sur son bureau. La journée ne fait que commencer. Il doit activer tous les boutons des commutateurs, préparer les câbles et les écouteurs. Les opératrices ne vont pas tarder à faire leur apparition. Stephen Smith a pris l’habitude de ces journées mouvementées et stressantes. Mais aujourd’hui n’est pas un jour anodin. C’est son anniversaire ! Deux opératrices arrivent enfin. Elles entrent et s’installent derrière leur poste de contrôle. L’une d’elles sort une petite boite enveloppée qu’elle tend à Stephen Smith : « Monsieur Smith, c’est votre anniversaire ! Meilleurs vœux ! » Il ôte le papier, et découvre son thé préféré, le jasmin mandarin. Stephen Smith est un grand amateur de thé. Et le tea time est sacré pour lui comme pour tous les Anglais. « Elizabeth, merci beaucoup ! Je suis très touché par ce geste ! Je ne m’y attendais pas ! » dit-il avec un grand sourire. Mais la surprise n’est pas complète, la vétérane des opératrices, Victoria, que l’on surnomme gentiment « la reine Victoria », lui tend une carte signée par toute l’équipe : « Meilleurs vœux au meilleur patron d’Electra House ! Nous sommes fières de vous ! » Stephen Smith est touché. Il a été décoré la semaine dernière par le gouvernement local pour son dévouement au standard téléphonique.

 

Quelques heures se sont écoulées. Les opératrices travaillent à plein régime. Elles défont un câble du tableau qu’elles reconnectent ailleurs. C’est l’heure de pointe, et les appels téléphoniques affluent de tout le Royaume-Uni. Des appels entrants, des appels sortants, des télégrammes à envoyer, des télégrammes à déchiffrer ! Le standard téléphonique est en général conçu pour faciliter le travail de l'opérateur qui lui fait face. Il est constitué d'un panneau arrière composé de rangées de prises jacks femelles, chaque prise étant désignée et connectée comme l'extension locale d'une ligne d'abonné qui dessert un client individuel ou comme une liaison « inter standards » entrante ou sortante.  Stephen Smith tient debout, il ne se décourage pas. Il laisse infuser son thé au jasmin et pense à la fin de journée. Victoria et Elizabeth prennent l’autorisation avec succès pour une pause cigarette. Elles sortent dans la brume.

 

— J’ai toujours rêvé d’être sténodactylographe dans un grand cabinet d'avocats. Cela fait plus de deux ans que je travaille à Electra House, dit Victoria avec assurance. Je ne me suis jamais plainte. Stephen Smith est un homme formidable et compréhensif. Mais tout de même, j'aimerais connaître autre chose, je suis encore si jeune.

                — Moi j’ai été embauchée ici en 1945. J’ai découvert ma passion pour la téléphonie pendant la guerre. Je n'avais jamais travaillé avant ! La Royal Navy avait réquisitionné des centaines de femmes pour déchiffrer les communications ennemies. Au moins, cette fichue guerre a permis aux femmes de travailler ! répond Elizabeth.

 

Alan Alfredo Geday 

 
 
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