Jean le Baptiste, av JC
- alanageday
- 26 mai
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Hérodiade était la plus belle femme du Royaume de Judée. Elle était la grâce incarnée, plus aimable et délicate que Jézabel. Son charme était incommensurable. Son éclat et sa grandeur se déployaient avec beaucoup de splendeur. Elle était l’épouse du roi Hérode, après avoir été celle de son frère Phillipe. N’était-il pas après tout le roi de la Judée sous protection romaine ? Il était puissant, et Hérodiade lui inspirait le pouvoir et l’autorité. Le prophète, Jean le Baptiste, avait toujours reproché au roi Hérode d’avoir convoité la femme de son frère. Et ces reproches ne plaisaient pas du tout à Hérodiade qui n’en dormait plus. Pourtant Hérode avait beaucoup de considération pour Jean Le Baptiste. Il ne cessait de répéter à Hérodiade. « C’est un homme saint et juste qui passe son temps à prêcher dans le désert ! À te dire la vérité, j’aime l’écouter ! » Mais ce soir-là, la lune miroitait sur la Judée. Et Hérode, en rentrant se coucher auprès d’Hérodiade, l’enlaça tendrement :
— Je veux tes mains sur mon visage, ton souffle dans mon cou, tes lèvres sur les miennes, je veux glisser mes doigts dans tes cheveux, sentir tes jambes contre les miennes, que nous nous enlacions jusqu’au matin !
— Hérode ! lui dit Hérodiade. Je veux inviter toute la Judée au palais pour des festivités.
— Mais en quelle honneur ma tendresse ? demanda Hérode.
— Pour une faveur…, lui susurra Hérodiade en lui tendant un baiser.
Le soleil se couchait dans le désert, et le vent se levait. Les serviteurs d’Hérodiade préparaient le palais pour les festivités. Rien ne manquait aux serviteurs d’Hérodiade. Les étoffes en lin ajustées au corps, et les chalouks, ces chemises de laine très amples et longues. Hérodiade voulait que tous ses domestiques portassent du blanc, toujours du blanc. Elle seule pouvait porter des couleurs au palais, comme les femmes juives de la Judée. Rien ne lui manquait. Les pendants d'oreilles, les anneaux du nez, les bracelets, les colliers, les chaînes, les filets pour soutenir les cheveux et les talismans d'or sur lesquels étaient gravées des paroles de la Loi. Enfin la Loi ! Peu lui importait ! Elle était la plus belle femme de la Judée. Sa beauté faisait trembler tout le Royaume sous protection romaine, la douceur de sa voix soulevait la brise dans le désert. Et Hérode ne pourrait jamais rien lui refuser.
Le soleil embrasait l’horizon. Rien n’avait été laissé au hasard au palais. Le pain de froment était disposé dans des paniers en osier, les grains de blé rôtis et l’agneau dans un immense service en argent, les lentilles au mouton dans un gigantesque plateau en bronze, les gros gâteaux de fleur de farine et d’huile d’olive parfumés de menthe et de cumin dans des corbeilles, les figues, les raisins, les grenades. Sans oublier les dattes de Jéricho !
La soirée commença par des danses. Les convives allaient et venaient d’une salle à l’autre. Chaque salle décorée par des voutes dorées et des guirlandes miroitantes. Les plateaux défilaient, le vin de Pompéi coulait à flot. Salomé, la fille du premier mariage d'Hérodiade, était couchée sur le divan à côté du roi. La reine les regardait, étendue dignement et laissant quelques raisins éclater entre ses lèvres. Elle était pensive, et faisait rouler les grains rouges entre ses doigts. Comment allait-elle faire sa demande à Hérode ? Il aimait Jean Le Baptiste. Ce dernier rassemblait les foules par milliers dans le Jourdain. Il vivait dans le désert d’insectes et de miel. Il était humble, honnête et pieux. Mais Hérodiade était tout de même la plus belle femme du Royaume, et pas la moins rusée. Elle avait de surcroît une fille dévouée qui avait hérité de ses charmes. Hérode demanda à la Salomé de danser devant les convives. « Si je suis satisfait de la danse des sept voiles, je t'offrirai tout ce que tu souhaites », lui murmura le roi Hérode. « C’est une promesse ! La promesse d’un roi ! » Hérodiade sourit de plaisir en lisant ces mots sur les lèvres de son époux. Elle dissimulait son impatience sous ses airs impériaux. Ainsi dansa la belle Salomé. Les voiles vaporeux caressaient sa peau ambrée, ses hanches se balançaient, ses pieds frétillaient, et ses yeux noirs étaient ardents comme la braise. Le roi applaudit quand enfin avec surprise elle se dirigea vers sa mère et lui demanda :
— Que puis-je demander au roi ?
— Je veux la tête de Jean le Baptiste sur un plateau en or ! lui répondit-elle.
Jean le Baptiste était enchainé au fond d’une grotte secrète du roi Hérode. Les Romains l’avaient capturé sans que la foule ni ses disciples ne s’en rendent compte, depuis déjà cinq jours, à proximité du Jourdain, son fleuve sacré, où il baptisa Jésus de Nazareth. Le désert, c’était fini ! Le Jourdain qui coule paisiblement dans son lit était loin derrière ! Mais il devait continuer ses prophéties. Il étendit les bras et hurla vers le ciel : « C’est un roi ! C’est le roi des rois ! C’est mon fils bien aimé ! Il trônera et triomphera ! Vous m’entendez-vous là-haut ! C’est un roi ! Et ce roi ne baptise pas dans l’eau mais dans le feu ! Il est roi pour l’éternité, il est le roi des rois comme Zacharie l’a prédit. Réjouis-toi, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi, Il est juste et plein de salut, humble et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse. Il rentrera roi à Jérusalem ! Vous les gardes romains, est ce que vous m’entendez ? » Jean Le Baptiste revêtit sa peau de chameau pour cacher sa nudité. Puis il battit des mains, se déchaina, se démena, s’égosilla, face au rond blanc du dehors, inatteignable : « C’est un roi, la colombe vole haut dans le ciel, il est roi des rois comme Isaïe l’a prédit. Vous m’entendez soldats romains ? Cette tête, vous la voulez ? Venez la chercher ! Venez me décapiter ! Venez me lapider comme Zacharie ! Je n’ai pas peur ! C’est un roi ! Même Isaïe n’est pas digne de parler de lui ! Isaïe a dit qu’il n'y aura plus de tristesse pour ceux qui sont dans la détresse. Il a déjà humilié le pays de Zabulon et le pays de Nephtali, mais à l'avenir il honorera la Galilée des nations, sur le chemin de la mer, au-delà du Jourdain... Venez me décapiter, ma tête est la vôtre ! C’est un roi ! Dans l’éternité ! » C’est alors que Jean le Baptiste entendit un lourd portail s’ouvrir, des chaines s’entrechoquer. Les gardes romains descendirent pour répondre aux souhaits d’Hérodiade. Le prisonnier continuait : « Je suis la voix qui hurle dans le désert ! Je suis Jean le Baptiste, le fils d’Élizabeth ! ! Je suis la voix du désert ! » Les Romains l’emmenèrent dans le désert à l’abri de tout regard. Sa tête tomba devant ses genoux.
Les voix du désert s’éteignirent !
Alan Alfredo Geday