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Five Points, 1880


Getty Images

 

Five Points, c’est un quartier délabré et malfamé. C’est le véritable berceau de la pègre aux États-Unis. Il s’apparente à un bidonville où vivent les plus pauvres et les plus démunis. Les ouvriers travaillent dans des ateliers clandestins. Les immigrés et les esclaves libres tentent de vivre dans l’enfer de Five Points. Dans ses rues, la vie est difficile, violente, et souvent très courte. Les gangs mettent la ville à feu et à sang. Les émeutes raciales éclatent régulièrement, et les maladies se répandent comme une traînée de poudre. Five Points est fréquenté par les voleurs célèbres. Five Points est empesté de bordels et de gangs particulièrement violents. Il a fallu trouver des noms à ces gangs. Les Bowery Boys portent des chemises rouges tandis que les Dead Rabbits ont l’habitude de jeter un lapin mort aux pieds de leur adversaire avant un combat.

 

Dans cette ruelle de Five Points, les Dead Rabbits sont sur le qui-vive. Ils surveillent les entrées et les sorties des habitants de la rue. Tout homme qui entre est fouillé systématiquement. On s’assure que chaque homme qui sort n’a pas emporté avec lui des biens qui appartiennent aux Dead Rabbits. Ils protègent aussi toutes les prostituées qui peuvent rapporter gros au gang. Ils sont armés, et elles sont alertées. Des couteaux à la main, des révolvers aussi, toute altercation dans leur quartier peut se transformer en émeute. Eux, ils sont Irlandais. Ils sont arrivés à Five Points par bateau comme des esclaves. Les passeurs les ont fouettés lors de la traversée de l’Atlantique. Beaucoup d’entre eux ont perdu la vie en pleine mer. Mais ici à Five Points, ils ne vont pas se laisser faire. Assez d’être traités comme des bons à rien. Assez d’être considérés comme des sous-hommes. Les Dead Rabbits ont monté leur gang et leur cause ici à Five Points, c’est la survie.

 

Tout est bon pour survivre et pour lutter contre le froid. On se débrouille comme on peut. L’eau des égouts est sale, mais quand on la fait bouillir sur du charbon, elle devient presque limpide. On lave les habits dans des seaux. L’eau sale est lancée dans la rue, et les habits sont pendus sur des cordes entre les immeubles. On veille la nuit à la lueur d’une bougie. Mais la plupart du temps, c’est la famine. Il n’y a pas de quoi manger. La moindre carcasse, le moindre morceau de pain est bon à manger. On récupère et on prend des forces pour l’hiver.

 

À Five Points, on trouve le marché de légumes de Mulberry. On y trouve de tout en quantité, mais il faut avoir les sous pour pouvoir acheter des légumes, des pommes de terre ou des céréales. Les enfants s’aventurent souvent sur Mulberry pour ramasser un morceau de chou, des épluchures de carottes, une pomme de terre ou même un trognon de pomme. Les enfants n’hésitent pas à les ramener à leurs parents. Les familles assemblent le tout dans un seau et préparent une manne céleste que tous les membres des Dead Rabbits viendront déguster. Ce n’est pas la soupe du pauvre, mais bien pire : c’est la soupe de la famine. On fait comme on peut, on soupe au jour le jour.

 

Ces derniers temps, à Five Points, beaucoup d’esclaves qui ont pris la fuite du Sud se sont installés dans ce quartier populaire et infâme. Les Dead Rabbits, bien que neutres, sympathisent beaucoup avec les esclaves. Ils ne veulent ni être partisans de l’Union qui lutte pour l’abolitionnisme ni partisans des Confédérés qui veulent l’esclavage pour toujours. Mais leur aide est précieuse. Les Dead Rabbits trouvent souvent en ces esclaves une aide primordiale. Car les hommes libres ont trouvé la manne chez les hommes riches de New York. Ils travaillent dans d’immenses maisons, même des châteaux. Des hommes puissants de l’Union, des hommes d’affaires, des magnats de l’industrie.

 

Alan Alfredo Geday

 

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