La « guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres » était terminée, mais une nouvelle guerre venait de commencer dans les rues de l'Amérique. Ce n'était pas vraiment un combat, du moins au début !
D'un côté, il y avait la marée montante de criminels professionnels, rendus plus riches et plus audacieux par la Prohibition, qui avait asséché le pays en 1920. Dans une grande ville comme Chicago, on estime que 1 300 gangs se sont répandus comme un virus mortel durant la décennie. Il n'y avait pas de remède facile. Avec des portefeuilles pleins à craquer des bénéfices du trafic d'alcool, les gangs s'équipaient de fusils « Tommy » et opéraient en toute impunité en payant les politiciens et la police. Les gangs rivaux dirigés par le puissant Al « Scarface » Capone et le fougueux George « Bugs » Moran avaient transformé la ville en champs de bataille. Plus de 12 000 meurtres étaient commis chaque année en Amérique. De l'autre côté, les forces de l'ordre étaient littéralement dépassées et incapables de face à la vague de criminalité qui déferlait sur le pays. La lutte contre le trafic d'alcool et les bars clandestins étaient déjà un défi, mais les « années folles » avaient également vu les braquages de banque, les enlèvements, les vols de voitures, les jeux d'argent et le trafic de stupéfiants devenir des crimes de plus en plus courants. Le plus souvent, les forces de police locales n’avaient ni les armes ni la formation. Et leurs compétences s'arrêtaient brusquement à leurs frontières.
Bienvenue enfin dans le monde des empreintes digitales !
L'utilisation des empreintes digitales pour identifier les criminels n'en était qu'à ses débuts au début du vingtième siècle, alors qu'elle nous paraît aujourd'hui évidente. Le système Bertillon, qui mesurait des dizaines de caractéristiques du visage et du corps d'un criminel et enregistrait une série de chiffres précis sur une grande carte accompagnée d'une photographie, était plus populaire. Après tout, pensait-on, quelles étaient les chances que deux personnes différentes se ressemblent et aient des mesures identiques dans tous les détails minutieux enregistrés par la méthode Bertillon ? Peu de chances, bien sûr.
Mais, inévitablement, un cas s'était présenté qui avait déjoué les pronostics. C'est ce qui s'était passé en 1903, lorsqu’un criminel condamné, nommé Will West, était conduit à la prison fédérale de Leavenworth, au Kansas. L'employé du bureau des admissions, croyant reconnaître West, lui demanda s'il est déjà venu à Leavenworth. Le nouveau prisonnier lui répondit par la négative. L'employé prit ses mesures de Bertillon et sortit ses dossiers, dont il tira une carte pour un certain « William » West. Il s'avérait que Will et William se ressemblaient étrangement. Et leurs mensurations Bertillon étaient presque identiques. L'employé demandait à nouveau à Will s'il était déjà allé à la prison de la ville. « Jamais », protesta-t-il. En retournant la carte, l'employé s'aperçut que Will disait la vérité. « William » était déjà à Leavenworth, où il purgeait une peine de prison à perpétuité pour meurtre ! Peu après, les empreintes digitales des deux hommes furent de nouveau relevées, et elles se révélèrent clairement différentes. C'est cet incident qui fit tomber le système Bertillon « à plat ». L'année suivante, Leavenworth abandonna la méthode et commença à relever les empreintes digitales de ses détenus.
C'est ainsi que débuta la première collecte fédérale d'empreintes digitales.
Alan Alfredo Geday
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