La légende se veut ainsi ! L’hiver était froid, le vent soufflait, un ciel opaque et sans soleil se refermait au-dessus des étendues verglacées. Les champs étaient recouverts d’un drap blanc. Et la neige tombait encore quand trois enfants décidèrent de se promener. Le paysage était si uniforme, que les trois enfants se perdirent rapidement. Ils implorèrent le ciel d’où tombaient les flocons. À leur grande surprise, l’un des enfants vit une lumière apparaître au loin. C’était une fenêtre éclairée de l’intérieur par une cheminée. Il y avait une maison, il y avait des gens. Les trois enfants s’approchèrent timidement, puis frappèrent à la porte. C’était leur dernière chance. La légende raconte que Pierre Lenoir, un boucher dans sa vie de tous les jours, accepta de les héberger pour la nuit et leur donner l’hospitalité. Un boucher ! A-t-on dit un boucher ? Dans ce monde ingrat, cette nature désolante qui ne nourrit pas le bétail ? Aussitôt dit, aussitôt rentrés, Pierre Lenoir prit son couteau et tua les trois enfants. Voilà de la belle chair, tendre et douce à découper. Pierre Lenoir les coupa en petit dés. Il déposa ainsi les morceaux dans un grand baquet empli de sel, afin d’en faire du petit salé. Pendant ce temps, Saint Nicolas, l’évêque, chevauchait son âne. Alors qu’il passait devant la chaumière, il frappa à son tour à la porte de Pierre Lenoir qui n’hésita pas à le recevoir. Il le convia au souper.
— Avez-vous du petit salé ? demanda Saint Nicolas.
— Mais comment savez-vous ? Je suis découvert, o misère ! s’énerva le boucher, très agité. Je vais tout vous avouer Monseigneur l’évêque ! Tout vous avouer !
Saint Nicolas ouvrit la paume de ses mains, défléchit ses doigts en les déposant sur le tonneau. Les trois enfants, par magie et par miracle, se reconstituèrent et ressuscitèrent. Saint Nicolas enchaîna ensuite le boucher à son âne et le garda auprès de lui pour le punir. Celui-ci devint alors le père Fouettard, dont le rôle fut de réprimander les enfants désobéissants et les cancres, fort de son caractère violent et irascible. Toujours vêtu de noir, caché sous une cagoule et une épaisse barbe noire, il incarnait tout l'opposé de Saint Nicolas, qui arborait une belle barbe blanche, des vêtements colorés d'évêque, mauve et blanc, avec une crosse, dorée à l'origine, puis rouge et blanche, ce qui le rapprocha du Père Noël d’aujourd’hui.
Aujourd’hui, la Bretagne célèbre la Saint Nicolas. Les femmes se sont apprêtées. Elles ont revêtu de longues robes, avec des tabliers blancs, des cols et des coiffes en dentelles. On tourne en rond avec fierté. C’est la tradition pour la Saint Nicolas en Bretagne. Les hommes, quant à eux, ont enfilé une chemise blanche, un pantalon noir et un gilet. Le costume breton se veut d’un autre genre, d’un autre monde en ce jour de célébration.
— Connaissez-vous ce proverbe ? Kant bro, kant giz ! hurle une femme.
— Tous les Bretons se doivent de le connaitre, répond avec courtoisie un homme. Ça veut dire cent pays, cent modes ! Nous sommes la Bretagne, nous sommes la modernité !
Les femmes ne se fatiguent pas, les hommes prennent plaisir à danser sous le ciel brumeux. On tourne, on est joyeux, le soleil n’est pas encore couché. La Saint Nicolas est un grand jour. En effet, ce dernier vient toujours accompagné de ses deux corbeaux « qui voient tout », et de son cheval Sleipnir. Le Saint passe dans les maisons pour apporter aux enfants sages des friandises : fruits secs, pommes, gâteaux, bonbons, chocolats et grands pains d'épices. Il peut aussi faire la surprise de venir accompagné du Père Fouettard ou « Pierre Lenoir » qui, vêtu d'un grand manteau noir avec un grand capuchon et de grosses bottes, porte parfois un fouet et un sac. Il n'a pas le beau rôle puisqu'il menace de distribuer des coups de trique aux enfants qui n'ont pas été sages ou de les emporter dans son sac et qui donne, parfois, du charbon, des pommes de terre et des oignons ou des quiches.
— Kant bro, kant giz ! lance une femme si fièrement.
Alan Alfredo Geday
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