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Booker T. Washington, 1936


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Je m’appelle Booker. Plus précisément, Booker T. Washington. Beaucoup d’entre vous ne me connaissent pas. Vous avez entendu parler de grands orateurs et de leaders comme Martin Luther King ou Malcom X. Le premier est un opprimé, et le dernier est un révolté. Ceci dit, là n’est pas le problème. Je n’ai pas vécu à la même époque que ces deux hommes, je suis mort en 1915, avant que tout cela commence ou finisse. Je suis né à Hale’s Ford en Virginie, d’une mère esclave. Je ne connais pas ma date de naissance, je ne connais que celle de ma mort. J’adorais ma mère. Elle était câline et douce. Oui en effet, je suis né d’une mère esclave. Elle travaillait dans les plantations de coton pendant que moi, je restais avec les autres enfants d’esclaves du domaine. Cela ne m’a pas empêché d’apprendre à écrire et à lire comme tous les autres. Les autres, ce sont les blancs. Mais ce fut bien plus tard. Ma mère me racontait toujours des histoires avant de dormir. Elle m’a appris la prière. Je n’ai jamais connu mon père, et ma mère a longtemps travaillé pour son maître jusqu’au grand jour.

 

Jusqu’au grand jour qui approchait, il y avait plus de chants dans le quartier des esclaves que d’habitude. Les hommes et les femmes esclaves veillaient toute la nuit. C’était aussi la fin de la guerre civile entre les États de l’Union et les États confédérés. Les chants demandaient la liberté, la fin de la souffrance et de la servitude. Un beau matin, un officier américain habillé tout en bleu avec un képi rouge est venu à la plantation faire un discours devant tous les esclaves. Les États confédérés avaient perdu la guerre, et Abraham Lincoln avait été assassiné. C’était le fameux grand jour, c’était la proclamation d’émancipation. Et les esclaves affranchis se mirent à chanter cette chanson :

 

« Je suis en route pour le Canada,

Cette terre froide et morne,

Les effets désastreux de l’esclavage

Je ne supporte plus,

Mon âme est vexée en moi plus

Penser que je suis un esclave,

Je suis maintenant résolu à porter le coup

Pour la liberté ou la tombe.

Oh, père juste, ne me plaindras-tu pas,

Et aidez-moi au Canada, où les hommes de couleur sont libres. »

 

Ma mère et moi étions libres, enfin ! Nous étions libres. Nous pouvions aller là où bon nous semblait, partout et pour toujours. Ma mère se pencha vers moi et m’embrassa. Des larmes de joie coulaient sur son visage. Elle m’expliqua ce que cela signifiait, que c’était le jour pour lequel elle avait longtemps prié. Le jour où l’on serait complètement libres. Ma mère était heureuse. Elle craignait de ne jamais voir ce jour, que ses prières ne soient jamais exaucées. Après l’émancipation, ma mère est allée rejoindre mon père, que je n’avais jamais connu jusqu’à ce jour, à l’ouest de la Virginie, un État libre, un État de l’Union. J’ai alors été dans une école. J’ai appris à parler, à lire et à écrire. J’ai côtoyé des enfants de mon âge, tous noirs. À l’école, tous les enfants m’appelaient Booker. Plus on apprenait à parler, plus on pouvait écrire, plus on pouvait lire ! Notre amitié était entretenue. Après l’école, j’ai dû trouver du travail dans une mine de charbon pour pouvoir payer mes études à l’institut de Hampton. Dans les mines de charbon, j’avais le visage encrassé et je respirais mal. Mais l’essentiel pour moi, c’était l’éducation. Sans cette dernière, je ne pourrais jamais emprunter un chemin noble et défendre les miens, les Afro-Américains.

 

Je fus nommé leader de l’institut de Tuskegee à l’âge de 25 ans. J’étais un bon orateur. En effet, ma mère et moi avions beau être émancipés, le combat n’était pas terminé. Il fallait se battre contre le racisme et la haine du noir. Si je voyais ça aujourd’hui, un bar qui porte mon nom sur le rebord d’une autoroute, « Booker Tea Washington », ce ne serait pas une victoire. Des fontaines d’eau séparées pour les blancs et les gens de couleur dans le Sud, des écoles pour les blancs et d’autres pour les enfants de couleur, des restaurants pour les blancs et d’autres pour les gens de couleur. C’est un scandale ! Il faut se battre au quotidien contre tous ces actes, cette attitude délirante, ce comportement cruel que l’homme blanc peut avoir envers son égal, son ami, voire son frère.

 

Alan Alfredo Geday

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