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Au clair de la lune, 1959


Getty Images

 

La lune ! Cet astre parfait, cette muse des poètes et des amoureux, ce diamant des pauvres, cet éclat inaccessible. La lune ! Ce cercle vierge de toute vie, qui vous regarde, d’en haut, qui vous console parfois. La Reine du Ciel, la reine des étoiles, la lune… Si belle et mystérieuse. Bleue, rousse, pourpre, blanche comme neige, si changeante, si versatile. La lune en croissant, en sourire, la lune pleine, comme un œil, la lune cachée derrière les nuages, défiant les lois de l’obscurité, du chaos de la nuit. Dernière lumière, dernière torche contre le noir absolu, dernière barrière contre la disparition totale. La lune… Réverbère de toutes les rues du monde. Les yeux rivés sur la lune, derrière ses jumelles, Pierre rêve.

 

Il s’appelle Pierre, mais sa maman l’appelle « Pierrot ». C’était un signe pour lui, l’amoureux du ciel. Vous connaissez la chanson ? « Au clair de la lune, mon ami Pierrot… » Tout le monde la connaît. Mais personne ne connaît aussi bien les astres que lui. Le soir, quand les lumières de la ville s’éteignent, il sort. Il arpente les rues, en pyjama et robe de chambre, et vient retrouver son point de vue favori, surplombant la ville, sur quelques parpaings. Il ne croise personne sur son chemin. Quelqu’un qui sort son chien, parfois, ou des amoureux clandestins, d’autres fois. Mais bien souvent, il a le plaisir d’être seul dans la nuit. La lune, c’est un réconfort tranquille, elle est toujours là, et jamais la même. Et quand il se sent perdu, vous savez, pour toutes ces choses qui bouleversent la vie d’un adolescent, il la rejoint. Parfois même, il la prie. Il envoie ses prières par télépathie. Il la sait bienveillante, cette bonne vieille lune.

 

Aujourd’hui, il faut qu’il lui confesse quelque chose. Il est amoureux. Ce n’est peut-être pas la première fois, mais il a l’impression qu’avant ce n’était pas aussi réel, pas aussi intense, que ça n’était qu’un préambule à l’amour en quelque sorte. Ce n’était pas l’amour qui vous trotte dans la tête toute la journée, qui vous vole le sommeil, la faim, toute envie d’autre chose que de rêver, bêtement, à celle qu’on aime. Elle s’appelle Anne. Elle est blonde, avec des joues roses, et une bouche… Elle a la plus merveilleuse des bouches, parfaitement dessinée, pulpeuse, juteuse comme une orange, une bouche à embrasser sans fin. Une bouche qu’on aime voir parler, chanter, une bouche qui change comme la lune, chaque fois nouvelle et pareille. Alors la lune devrait comprendre, alors elle devrait, cette fois, répondre à sa prière d’embrasser cette fille qui lui ressemble.

 

Alan Alfredo Geday

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