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Soirée pyjama, 1965


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À Cambridge, à l’internat de jeunes filles St Trinian, les élèves ont décidé d’organiser une fête de fin d’année clandestine. Un concert dans leur dortoir ! Elles sont une quinzaine à dormir ici, dont Jane, Grace, Mary et Liz. C’est Liz qui a eu l’idée de convier une bande de quatre garçons pour jouer les Beatles dans leur chambre. Normalement, la gent masculine est totalement proscrite en ces lieux. L’interdit émoustille les adolescentes qui se préparent. Jane revêt sa nuisette en mousseline et se maquille. Le tube de rouge à lèvre est presque vide, elle l’a déjà bien amoché à force de messages laissés sur les miroirs, de plaisanteries dessinées sur les bras des copines endormies et de séances de maquillage secrètes. Grace enfile une longue chemise de nuit en coton épais brodée à ses initiales. Un incontournable du vestiaire d’une jeune fille de bonne famille. Elle ne se sent pas très séduisante. Elle coiffe ses longs cheveux blonds en se demandant comment compenser son air sage. Mary a de la chance, sa nuisette ressemble à une robe babydoll, sexy, légère et courte. Quant à Liz, elle s’est fait livrer une tenue spécialement pour l’occasion. La dentelle est fine et la ceinture noire de sa nuisette brodée de perles. Ce soir, elles vont être les plus belles pour aller danser ! Elles comptent bien impressionner les quatre garçons qui franchiront le pas de leur porte.

 

Les voilà qui entrent et préparent leur instrument de musique. Mary noue ses cheveux en chignon. Grace prépare les coussins pour une bataille qui s’annonce rude. « Incroyable, toutes ces filles en petites culottes ! » s’étonne un garçon qui passe sa main sur les cordes de sa guitare. « Tu ressembles à Paul Macartney » s’enthousiasme Mary en sautant sur un lit. « Et toi à Ringo ! » Les musiciens sont fin prêts et entament un air des Beatles :

 

Da da da, da da dumb dumb da

Da da da, da da dumb dumb da

If there's anything that you want

If there's anything I can do

Just call on me and I'll send it along

With love, from me to you

 

Trois heures se sont écoulées à sauter sur les matelas et à se donner des coups de coussins en chantant à tue-tête. On commence à fatiguer, mais on ne veut pas achever ce beau moment avant le petit matin. Les musiciens jouent sans relâche, galvanisés par l’énergie des jeunes filles. Ils jouent les chansons de John Lennon en boucle. C’est alors qu’une fille entre dans le dortoir avec une caisse de bière anglaise. Les élèves s’interrogent. Est-ce que l’on boit ? Ou est-ce que l’on remue les bouteilles et on s’accorde une bataille de mousse ? « Il en est hors de questions ! On va se saouler avant le lever du soleil ! » ordonne Jane. Elles décapsulent les bouteilles de bière, et on boit au goulot. On fait passer les bouteilles. On s’enivre. Mary fait boire quelques gorgées au musicien qui ressemble à George Harrison. Il est mignon. Si seulement elle pouvait s’éclipser avec lui et flirter gentiment... Mais elle ne peut pas. Elle serait la risée du dortoir. « Tu vas faire du grabuge ! Pas de cul ce soir !» la reprend Liz qui a compris son manège. Les musiciens entament Please Please Me:

 

Last night I said these words to my girl

I know you never even try, girl

 

Grace est épuisée. Elle ne peut plus danser, ni sauter ni boire. Elle s’effondre sur le lit et s’endort. « Grace s’est endormie, elle a encore fait des siennes ! » se plaint Mary. On rigole. Les musiciens s’arrêtent enfin. Il est l’heure de partir. Les premières lueurs du jour font leur apparition. Mary esquisse un sourire à son George Harrison. Liz donne une accolade à son John Lennon. La soirée se termine. Ce sera pour l’année prochaine.

 

Alan Alfredo Geday

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