Les Allemands ont gagné du terrain dans « la guerre éclair ». La Wehrmacht a traversé le Luxembourg et la Belgique, puis le massif des Ardennes. Cela semblait impossible, mais l’armée allemande a bien percé le front de Sedan et franchi la Meuse. Les troupes d’Hitler ont contourné l’armée française et les forces alliées britanniques, sous la direction du général Heinz Guderian, surnommé à juste titre : « Heinz le Rapide ». Rapide, il le fut, comme un éclair, et comme un aigle ! La contre-attaque lancée par le colonel de Gaulle dans l’Aisne n’a pas été suffisante pour arrêter l’invasion allemande. Le 20 mai 1940, la deuxième Panzerdivision de Heinz le rapide atteint l’estuaire de la Somme et Abbeville, puis Boulogne le 22 mai, et enfin Calais le 23 mai. En trois jours, l’avancée de Heinz le Rapide prend au piège la force britannique, les troupes belges et la première armée française. Un million d’hommes sont bloqués dans une énorme nasse. Mais le 24 mai, à seulement une dizaine de kilomètres de Dunkerque, Heinz Guderian reçoit l’ordre d’Hitler de stopper sa progression pendant deux jours. Goering a promis au Führer de détruire les forces britanniques avec l’armée de l’air, la Luftwaffe. Alors Heinz arrête sa course, et attend. Le général Gort, général des forces britanniques, a préparé un plan pour évacuer ses troupes, et il est bien décidé à profiter de cette trêve. Cette évacuation est baptisée « Opération Dynamo ».
C’est le moment de partir. Le général Gort somme l’état-major français de défendre la zone de Dunkerque pour évacuer le plus de soldats britanniques et français possible. L’Opération Dynamo s’étend sur neuf jours. Pendant l’évacuation, les soldats et officiers français luttent sans relâche contre la Wehrmacht. On se bat à un contre vingt, sans perdre espoir malgré la faiblesse humaine et matérielle face à la puissance de l’armée allemande. La bataille de Dunkerque est sanglante. Elle est interminable. Une dizaine de milliers de soldats meurent sous les boulets de canon et les missiles de la Luftwaffe qui explosent dans la nuit. Les navires d'évacuation sont torpillés, des milliers d’hommes sont plongés dans les eaux ou mitraillés sur les plages. Jack est monté sur un navire cette nuit. Les étoiles apparaissent parmi les nuages de fumée. Les détonations fusent à ses oreilles. Il prie pour rentrer en Angleterre. Mary l’attend. Il ne mourra pas, il reviendra, il lui a promis. Ce 26 mai 1940 marque le jour de sa fuite et de sa survie, comme pour sept mille autres hommes. C’est le premier départ. Le lendemain, dix-huit mille hommes sont évacués, quarante-sept mille le surlendemain, et cinquante-quatre mille le jour d’après. Dans le navire de Jack, il n’y a aucun soldat français. Pour le général Gort, « chaque Français embarqué est un Anglais perdu ». Mais quelques jours plus tard, Winston Churchill met fin à cette discrimination et donne l’ordre au général d’évacuer les soldats français au même titre que les anglais, comme promis.
Le 4 juin au matin, les forces allemandes s’emparent de Dunkerque et font trente-cinq mille prisonniers français. Mais ce matin-là, Jack ne se préoccupe plus de Dunkerque. Il allume une cigarette à la fenêtre du train. Il regarde le paysage anglais défiler. La guerre est derrière lui, la France est derrière lui. Les arbres sont verts, le printemps est splendide. Sur les quais de la gare de St. Pancras, les femmes s’agitent, on entend des cris de joie. Les fiancés reviennent de Dunkerque. Les fiancés retournent à la maison. Les fiancés n’enverront plus de tristes lettres et n’auront plus peur de la mort. Les fiancés deviendront des maris. Ils travailleront à la ville, ils porteront un costume et un chapeau, ils liront le journal le dimanche, ils feront sauter un enfant sur leurs genoux. Mary aperçoit le train qui entre en gare. Le train s’arrête, on se rue vers les wagons, les soldats sortent en riant et en s’exclamant, ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont heureux, fringants dans leur uniforme. Marie se faufile parmi les couples. On s’embrasse et on s’enlace autour d’elle. Elle a hâte de sentir la peau douce de son Jack. Elle a hâte de sentir sa chaleur, de le serrer fort contre elle. Elle entend enfin un homme qui hurle dans le bain de foule : « Mary ! Mary ! » Il est revenu, son Jack, il n’a pas changé.
Alan Alfredo Geday
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