Il est six heures de l’après-midi dans la banlieue Est de Rome. À l’église, les chrétiens écoutent attentivement le prêtre célébrer la messe de l’Ascension en l’honneur de la montée de Jésus au ciel. Les fidèles viennent de communier, et le curé se recueille sur une chaise en joignant ses mains en une prière. Il demande à l’assemblée de se lever pour prononcer la bénédiction : « Nous rendons grâce à Dieu ». Sur ce, le prêtre sort de l’église pour saluer les familles sur le parvis.
Pendant ce temps, Graziano et Paolo guettent la sortie des paroissiens, dissimulés derrière l’église. Ils se font signe. Bientôt, il va falloir agir ! Au creux de leur veste en cuir, ils cachent une mitraillette. Tels sont les ordres du parrain de la Cosa Nostra : Matteo Messina Denaro. « J’ai rempli un cimetière à moi tout seul », s’est-il vanté un jour. Matteo Messina Denaro est un fantôme, c’est l’homme le plus recherché de la botte italienne, et il est partout. Comment ne pas le trouver, pourtant ? Lui qui roule en Porsche, qui porte une Rolex tape-à-l’œil et des lunettes cerclées d’or. Lui qui fait tinter ses grosses chaînes sur son torse brun pour appâter les jeunes filles. Lui, le playboy impitoyable en chemise de soie Armani. On raconte à voix basse qu’il est même le père d’un enfant illégitime. Pourtant, la Cosa Nostra est très conservatrice. Mais le mafieux est au-dessus des lois, même celles de la Cosa Nostra. Il sait se faire craindre par sa violence sans limite. On dit qu’il a assassiné cinquante personnes d’un seul coup, un beau jour. On dit qu’il a fait mitrailler une femme enceinte. On dit qu’il a la vengeance rapide.
Dans sa loge, le prêtre se rhabille, et serre son col romain. Il s’apprête à rendre visite au juge Falcone, un juge puissant et respecté. Il cherche parmi ses dossiers celui de Matteo Messina Denaro. Il le trouve, et l’ouvre pour s’assurer qu’il s’agit bien du dossier du mafieux. Sur la première page, il lit : « Prison à vie pour Matteo Messina Denaro ». Il range le dossier dans sa sacoche, et sort de l’église en lançant des regards furtifs. Personne. Les familles célèbrent tranquillement ce jour sacré. Le prêtre marmonne une prière et se signe. Il a peur. Il sait que les yeux de Matteo Messina Denaro sont partout. Il ouvre la portière de sa Fiat 500, quand il aperçoit deux hommes derrière lui. D’où sortent-ils ? Paolo lui esquisse un sourire en murmurant : « Tu périras en enfer ». Le prêtre se précipite dans sa voiture, claque la portière, tourne ses clefs d’une main tremblante. Mais il est trop tard. Les balles traversent le pare-brise, la carrosserie, chaque centimètre de la petite Fiat.
Les coups de feu s’arrêtent. Graziano ouvre la portière et laisse une lettre avec une rose rouge. C’est un message pour le juge Falcone de la part de Matteo Messina Denaro.
Le curé est méconnaissable, couché dans son sang. La Fiat trouée comme une passoire. La mafia a encore sévi dans les rues de Rome. Le fantôme a encore frappé !
Alan Alfredo Geday