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Les sœurs, 1966


Getty Images

 

Il était une fois quatre sœur, dont deux qui deviendraient des étoiles du cinéma français, Françoise, la cadette, et Catherine qui la suivait d’un an et demi. Dans la famille Dorléac, l’humeur était à la taquinerie, on prenait la vie à la légère, et les conversations étaient teintées des couleurs du cinéma et des tirades du théâtre français. Maurice Dorléac, le père, était directeur de doublage à la Paramount Pictures, et Renée Simonot, la mère, était pensionnaire au théâtre de l’Odéon. Les repas de famille avaient des allures de spectacle, et les quatre filles tournoyaient dans leurs robes à volant, toutes plus belles les unes que les autres, avant de s’asseoir autour de la table. L’appartement du XVIème arrondissement de Paris fut témoin de leur complicité, de leurs premiers émois amoureux, de leurs franches rigolades, mais aussi de leurs répétitions.

 

Françoise commença par le doublage de voix d’enfants pour la Paramount ; elle s’entrainait, assise sur le bord de son lit superposé, à moduler ses intonations. Elle ne doublait pas moins que la gentille Heidi, douce enfant amoureuse du berger Pierre. Mais tout de même, le personnage manquait de piquant à son goût. Elle n’avait rien à voir avec cette fille docile, elle qui criait à tue-tête qu’elle deviendrait une star, la Greta Garbo française, et qui répondait insolemment à ses professeurs. L’école, c’était bon pour s’ennuyer ferme ! Elle fut même renvoyée pour indiscipline ! La belle affaire, elle n’avait plus qu’à s’inscrire au Conservatoire. De toute façon, son avenir était tracé : elle avait tout ce qu’il fallait pour incarner des femmes fatales sur le grand écran. Sa voix grave, sa rousseur, l’ovale parfait de son visage et sa bouche pulpeuse allaient faire tourner la tête à plus d’un homme ! Ainsi, elle joua Gigi au théâtre, un personnage de Colette qui fut incarné par Audrey Hepburn dix ans plus tôt. Puis elle se fit remarquer dans les castings de cinéma et son grand rêve commença à se réaliser. Elle crevait l’écran. Et elle avait même la chance d’être mannequin pour l’enseigne Christian Dior, et ça, ce n’était pas donné à tout le monde ! Mais ce n’était pas sans efforts, car Françoise ne supportait pas ses imperfections, et sa sophistication n’avait de limites que sa patience infinie en matière de maquillage, d’habillement et d’apparats variés.

 

Catherine était bien plus timide que son aînée. Elle ne rêvait pas d’une carrière grandiose. Elle était dans la réserve, elle regardait, elle observait, elle réfléchissait. Faire du cinéma ? Quelle idée, elle n’aimait pas la lumière. Non, son rêve, c’était de rencontrer le grand amour. Mais un beau jour, Françoise proposa un rôle à Catherine : il s’agissait de jouer sa sœur dans un film de Jacques Poitrenaud et Michel Fermaud, « Les portes claquent ». Cette dernière hésita, mais finit par accepter. « Tu es si belle ! Tu ne peux que faire du cinéma », lui répétait Françoise.

 

De fil en aiguille, Françoise et Catherine se retrouvent à l’écran dans les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, et la comédie musicale gravera à jamais leur complicité. « Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des Gémeaux, mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do… »

 

Alan Alfredo Geday

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