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Le réconfort d’une sœur, 1944


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— Que s’est-il passé, mon fils ? demande la sœur religieuse.

— Nous avons été pris en embuscade par les forces allemandes. Nous étions cachés derrière le fort quand les avions du Troisième Reich sont venus bombarder les tanks yougoslaves. Tous nos tanks ont explosé et sont partis en débris. Mon régiment a perdu plus de cent hommes. Puis les soldats nazis sont arrivés en force et ont mitraillé tout ce qui était sur leur passage.

— Mon Dieu ! C’est affreux, mes prières sont avec vous. En attendant, vous pouvez vous reposer dans cet hôpital. Vous devez revenir au combat dans cinq jours. J’ai pour instruction de m’occuper de vous.

— Ma sœur, c’est affreux ! Je veux rester ici et je ne veux pas retourner à la guerre, réagit le soldat.

— Il ne faut pas s’inquiéter, la volonté du Seigneur est bien plus forte que vous pouvez le croire. Il vous protégera, j’en suis certaine.

— Ma sœur ! S’il vous plaît, ne pouvez-vous pas faire quelque chose pour moi ? Vous pouvez reporter sur la fiche de soin que je suis impotent…

— Je ne peux pas faire ça ! C’est un mensonge, vous devez revenir aider vos frères en armes aux combats. Ne vous inquiétez pas, je prie pour vous, et la volonté de Dieu est bien plus grande que ce que vous pouvez penser.

— Ma sœur ! S’il vous plaît, ces nazis sont fous, ils tuent sans répit. Ils sont nombreux et ils ont des armes puissantes. Et nous, on ne fait pas le poids.

— Prenez une pomme ! Servez-vous, vous avez besoin de vous reposer. La nuit portera conseil, j’en suis certaine. Le Seigneur vous donnera la force de vous battre jusqu’au bout. N’oubliez pas que quiconque croit que le fils unique de Dieu est ressuscité le troisième jour héritera de la vie éternelle.

— Ma sœur ! Je ne veux pas mourir, j’ai peur de la mort…

— La mort n’a rien d’effrayant ! Seul Jésus ressuscite les morts. Seul Jésus donne la vie éternelle à ceux qui ont cru en lui.

— Ma sœur ! Je ne crois pas en Dieu, je ne crois qu’en la fin de la guerre…

— Les Américains ne vont pas tarder à rentrer en guerre sur le front. L’Europe sera libérée du démon. Il ne faut pas s’inquiéter.

— Je veux voir ma mère s’il vous plaît. Je vous en prie, déclarez-moi impotent.

— Je ne peux pas faire ça, insiste la sœur religieuse. C’est un mensonge. Je dois partir m’occuper des autres. Prenez cette pomme, n’avez-vous pas faim ?

— Non, restez avec moi juste quelques minutes de plus, s’il vous plaît, ma sœur…

— Je suis là, si vous avez besoin de quelque chose, demandez la sœur Frivulia.

— Sœur Frivulia, j’aime beaucoup votre nom, c’est beau, ça fait penser au paradis.

La sœur Frivulia retourne dans le petit bureau de cet hôpital précaire aménagé à la va-vite au début des hostilités. Elle saisit la fiche du soldat et inscrit : « A besoin de convalescence, prêt à retourner au combat dans trois jours » Elle signe de son nom : « Sœur Frivulia ». Puis elle rend visite aux soldats grièvement blessés au combat pour les rassurer par la bonne parole. Certains ont été amputés d’urgence à la scie, plusieurs ont perdu un œil, d’autres sont terrassés par la fièvre, et d’autres encore ont totalement perdu l’esprit et hurlent comme des loups. Mais Sœur Frivulia ne craint pas l’horreur de la guerre, elle sait que le Seigneur est juste et qu’il lui soufflera les mots qui réconforteront ces pauvres hommes. Avant d’éteindre les lumières, elle retourne voir le soldat yougoslave. Il dort profondément, il ronfle sous son drap. Elle est inquiète pour lui. Elle accroche la fiche de soins sur son lit et lui tend un baiser sur le front. « N’ayez pas peur », murmure-t-elle.  

 

Alan Alfredo Geday

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