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Le Noël des mineurs, 1954


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Nous sommes le 24 décembre. C’est Noël ! Les mineurs sont obligés de rester dans les tréfonds de la terre, sans une lumière, sans leur famille. Sans eux, les Londoniens ne pourraient pas se réchauffer cet hiver. Les « gueules noires », tels qu’on les appelle, extraient du charbon à longueur de journée et tout au long de l’année. Le travail est pénible et dangereux. Ce soir est sacré ! Et les gueules noires ne comptent pas le laisser passer dans l’indifférence. Noël, ça se célèbre ! C’est une tradition ! Ce soir, les différents métiers de la mine se réunissent pour allumer des chandelles et chanter des chants de Noël. Au fond, les piqueurs, les haveurs, les herscheurs, les boiseurs, les ouvriers du rocher, les boutefeux, les freinteurs et les receveurs chantonnent dans le noir de la mine de charbon. Ils ont été rejoints par les machinistes et les lampistes à la surface pour célébrer ce moment spécial. Ils se recueillent et invoquent Dieu de les épargner d’une mort prématurée. La plupart des mineurs souffrent de silicose en fin de carrière. Beaucoup gardent des séquelles. Mais les mines, c’est aussi une histoire d’amitié entre les ouvriers.

 

— Mon petit va découvrir son cadeau demain matin, je ne serai pas encore rentré de la mine, raconte le piqueur au boutefeu. C’est dommage, j’aurai tellement voulu voir son bonheur… Ma femme me racontera, mais ça sera pas pareil…

— Qu’est-ce que tu lui as offert ?

— Ça fait un mois que je travaille sur cette petite merveille. Et sculpter du bois en rentrant de la mine, ça m’a demandé du courage. Mais je suis bien content du résultat. Hier, j’ai passé le dernier coup de vernis sur la peinture…

— Une sculpture ? Tu es un artiste ? Tu as fabriqué quoi ? Un bonhomme de bois ? Un jeu de quilles ?

— Non ! Beaucoup mieux !

— Un indice ?

— Le petit pourra monter dessus !

— Un tabouret ?

— Un tabouret pour Noël, tu en as des idées ! Non, un beau cheval à bascule !

— Mazette ! Un cheval ! Tu n’y es pas allé de main morte !

 

Les deux galibots se taisent. Le chef des mineurs, le porion, craque une allumette et allume les chandelles. Les mineurs sortent leur missel de leur poche. La mine est éclairée.  Ils chantent en chœur, ils se tiennent par les épaules. C’est Noël ! Les gueules noires rêvent de travailler dans la nature, dans le secteur de l’agriculture. La plupart n’ont pas eu d’autre choix que d’accepter le métier de la mine. Ils se saignent pour leur famille, et celle-ci leur manque cruellement en ce réveillon. Les épouses sont rentrées de la messe, et elles attendent leur mari, devant le petit sapin qu’elles ont dressé. Les enfants dorment déjà. Quelques cadeaux ont été déposés devant la cheminée. Une orange, un soldat de plomb, une poupée de chiffon, et un beau cheval à bascule. Les fenêtres du coron s’éteignent une à une. La nuit noire a envahi le village des mineurs. Et dans les tréfonds de la terre, les hommes ont repris le travail.

 

Alan Alfredo Geday

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