Laïka est porteuse d’espérance pour la nation soviétique. C’est le symbole de toute une nation, l’Union soviétique, aujourd’hui la Russie. Laïka était orpheline et errait dans les rues de Moscou à la recherche d’un maître. On dit souvent que les chiens et les chiennes prennent le caractère de leur maître. Mais Laïka avait dû forger le sien propre. Voilà la vraie histoire de Laïka. Elle était âgée de trois ans et pesait six kilogrammes. Sa petite taille était parfaite pour la mission. Sa jolie bouille ferait la une des journaux. Il fallait lui trouver un nom, un nom qui resterait gravé dans les mémoires, un nom de chienne héroïque. Au départ, le personnel soviétique voulait l’appeler « Koudriavka », ce qui veut dire « petite bouclée ». Mais finalement, il fut décidé de l’appeler Laïka, « petite aboyeuse ». Laïka était une chienne bavarde et frétillante. C’était une chienne indocile qu’il fallait dresser, conformer au caractère de la recherche spatiale : constance, loyauté et persévérance.
Les Américains n’étaient pas très contents de Laïka. Loin d’être fiers d’elle, ils la surnommèrent « Muttnik », « la chienne bâtarde ». Les Russes ne sont pas du genre à se laisser faire. Cette chienne suivit un entraînement de pointe. Elle fut entraînée à rester confinée dans une capsule étroite, à faire ses besoins sans lever la patte, à ne jamais plus aboyer, grogner ou frétiller. Spoutnik 2 était pourvu d’un système de vie constitué par un générateur de dioxygène de carbone et d’un ventilateur pour garder Laïka au frais. La chienne portait une combinaison sur mesure et des sangles pour limiter ses mouvements dans l’étroite cabine. Sa survie ferait le bonheur de toute la nation.
Laïka est le premier être vivant mis en orbite autour de la Terre. Elle devait tourner autour de la Terre à plusieurs centaines de kilomètres-heure. Elle a été lancée par l’URSS à bord de l’engin spatial Spoutnik 2, le 3 novembre 1957. Après le succès de la mission Spoutnik 1, Nikita Khrouchtchev exigea d’envoyer un être vivant dans l’espace pour le quarantième anniversaire de la révolution russe. Il s’agissait de révéler au monde entier la grandeur de la technologie soviétique, la puissance de l’URSS, et surtout sa supériorité sur les États-Unis, sur le capitalisme, sur le libéralisme.
Laïka eut, comme prévu, une renommée internationale. Son nom était sur toutes les lèvres. On admirait la science, on s’effrayait aussi de ses dérives. En France, le comité de direction de la Société Protectrice des Animaux, au nom de toutes ses fédérations en France, envoya un communiqué à l’ambassade soviétique : « fortes émotions, et dégoût, devant le fait établi, qu’un être innocent, à savoir, un chien, le meilleur compagnon de l’homme, en qualité d’une chienne, jeune en âge, soit livré aux bas instincts de la science, et à la vindicte des hommes, pour justifier une guerre qui ne dit pas son nom, lâche et silencieuse, pour aboutir à une mort certaine, et dénuée de sens, et scrupule, au nom de la science ».
En effet, Laïka trouva la mort à bord de Spoutnik 2 après sept heures de vol. Pauvre Laïka ! Mais le monde lui fit de très beaux hommages. La chienne Laïka figure sur le bas-relief du Monument des Conquérants de l’Espace érigé en 1964. Une statue, située près du complexe où Laïka fut entraînée pour son vol dans l’espace, a été inaugurée à sa mémoire à Moscou en 2008. Laïka figure sur de nombreux timbres des pays de l’ancien bloc soviétique. Quant aux Français, qui déploraient sa perte, ils la surnommèrent « Frisette ». Un monument fut érigé au cimetière des animaux de Villepinte. On y lit : « À Frisette et ses semblables, morts sans sépultures, martyrs de la science ».
Alan Alfredo Geday