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La révolution de Mary Poppins, 1910


 

Le ciel de Londres est gris et brumeux. Sous les nuages, les habitants de Londres se pressent dans les embouchures de métro, ils se bousculent devant les stations de bus, l’effervescence londonienne est à son comble. Les vendeurs de journaux hèlent les passants : « L’empire britannique ! La livre sterling reprend de la valeur ! » Les faubourgs sont embouteillés, les calèches sont tous réservés. La tour d’horloge du palais de Westminster affiche dix-huit heures. Il faut faire vite car le ciel gronde. Des coups de tonnerre jaillissent de nulle part. Les citoyens de la capitale britannique ne désirent qu’un chose : se détendre au coin de leur cheminée. Au milieu de cette ambiance chaotique, se trouve un homme du nom de Bert, toujours posté à l’entrée du parc. C’est un ramoneur talentueux. Car Bert expose et vend ses peintures de la campagne anglaise à l’entrée du parc. Les familles n’hésitent pas à s’arrêter quelques instants pour observer ses esquisses. Qu’il est beau ce manège ! Quel beau chemin au milieu de nulle part ! Quel paysage ! Heureusement qu’il ne pleut pas encore. Bert serait obligé de plier ses toiles pour les mettre à l’abri. Non loin de là, chez une famille londonienne, les Banks, la nourrice présente sa démission aux parents de deux enfants. Le garçon et la fille Banks se retrouvent sans nounou. Désespéré par ce départ, le père Banks rédige une annonce qu’il jette finalement dans le conduit de la cheminée. L’annonce brûle. Il n’en reste que quelques morceaux. Comment va-t-il faire pour trouver une nounou qualifiée pour ses enfants ? Au-dessus de toute cette agitation, assise sur les nuages, une mystérieuse femme, son sac à côté d’elle et son parapluie fermé, attend. Elle s’appelle Mary Poppins.

 

Mary Poppins ! Comment la décrire ? Elle a une longue chevelure noire coiffée en chignon, elle porte un chapeau. Sa chemise blanche est assortie à nœud papillon rouge. Son sac est fleuri à l’image de son écharpe. Mary Poppins est excentrique. Elle est la nourrice rêvée de millions d’enfants. Ses dons de magicienne lui permettent de sortir de son sac toutes sortes d’objets. Un long porte manteau où elle aime accrocher son chapeau. Un immense miroir de l’ère victorienne car elle aime voir tout son buste dans la glace. Une belle plante car elle aime la fraîcheur au milieu de ce froid londonien. Un grand lampadaire pour mieux éclairer sa chambre. Les enfants Banks sont sidérés par tous ces objets que Mary Poppins sort de son sac. Avec Mary Poppins tout est possible. Il suffit d’un claquement de doigts. Mais la magicienne ne souhaite pas seulement divertir et impressionner, elle veut surtout éduquer.

 

« C’est le sucre qui aide la médecine à couler » chante-t-elle. Et elle ne cesse de délivrer un enseignement enrobé de sucre. Comment montrer à ces deux petits bourgeois la réalité sociale de Londres ? Mary Poppins a plus d’un tour dans son sac. Et ni une ni deux, les voilà qui dansent avec les ramoneurs de la ville sur les toits enfumés. Londres est belle vue d’en haut, elle est spectaculaire, elle resplendit pour les pauvres ramoneurs qui ont de la poésie, malgré leur mine noircie. Ils sont joyeux, doucement rebelles, et accueillants. Les enfants sont ravis. Leurs nouveaux amis les enchantent. Et Mary Poppins, lien entre ces deux mondes contraires, ne cesse de délivrer le sucre de tous les possibles. Elle danse, elle chante, elle embaume de joie le cœur de tous. L’amiral fou attaque les ramoneurs qui troublent l’ordre publique. Il fait feu sur les délinquants. Les poudres colorées retentissent sur les toits et les ramoneurs doivent battre en retraite. La troupe de faufile par sa porte de sortie préférée : la cheminée. Le salon des Banks est envahi de fumée noire et de ramoneurs dansants. « Que se passe-t-il ? » s’offusque la femme de chambre en tablier blanc. Les enfants sont sales, leurs vêtements gris et leur visage crasseux. Ils chantent à tue-tête avec les ramoneurs.

 

Quand la mère rentre à la maison après avoir manifesté pour le droit de votes des femmes, quel n’est pas son étonnement ! Que font ces hommes du peuple dans sa maison ? Mais on ne lui laisse pas le temps de se fâcher, un ramoneur la prend par le coude pour la faire tourner joyeusement. Après tout, elle est tout aussi rebelle et enthousiaste qu’eux ! Et la voilà qui continue de scander ses slogans de suffragette au milieu de ce tintamarre. Le féminisme et la classe ouvrière s’allient dans le chant et la bonne humeur. Mary Poppins n’intervient pas, elle observe le tohu-bohu qu’elle a créé d’un œil distant. Elle est un vent de liberté toujours réservé, légèrement guindé et sévère. À se demander si elle y est vraiment pour quelque chose… On ne pourrait l’accuser, et pourtant… Sans elle, cette jolie maison bourgeoise serait sans doute demeurée calme et inchangée.

 

C’est au tour du père, ce banquier austère, de pousser la porte de la maison. Il est stupéfait. Il reste bouche bée. Sa routine et son ordre bourgeois sont complètement renversés. Mais que répliquer à cette troupe joyeuse qui le remercie et l’appelle courtoisement « patron » ? Car il est le patron de toute cette classe sociale. Il est le Monsieur, le banquier, celui qui dirige et vit grassement. Tout de même, il rattrape son fils qui comptait filer en douce avec les ramoneurs. Cette Mary Poppins va décidément lui donner du fil à retordre ! C’est l’anarchie ! La folie ! Ce sucre commence à devenir amer…

 

Alan Alfredo Geday

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