Il ne neige pas dans la mégalopole aujourd’hui. Les taxis jaunes s’agglutinent dans les avenues éclairées de mille ampoules et klaxonnent à tire larigot, les vendeurs de hot-dog hèlent les passants agités et pressés de Wall Street, et les boutiques de vêtements ouvrent grand leur porte pour les acheteurs. Qui n’a pas rêvé de recevoir des cadeaux la veille de Noël ? Margaret s’est levée tôt ce matin, avant que les premières lueurs du jour ne viennent pianoter sur le parquet de sa chambre perchée aux vingt-septièmes étage d’une grande tour de Manhattan. Pour elle, Noël est précieux. Son père Henry, qui travaille à Wall Street, lui a promis une poupée exceptionnelle. Une poupée brodée à la main, bien habillée de velours, et coiffée à la mode newyorkaise. Un chignon et une raie sur le côté ! Margaret rêve depuis déjà un mois d’aller chercher cette poupée. Elle ne s’en servira pas pour jouer. Elle ne la promènera pas, ne l’emmènera pas au square, ne la fera pas dîner autour d’une petite table. Mais cette poupée sera gardée bien au chaud ! Elle la mettra sur son lit, et elle ne pourra que l’admirer et la toucher après l’école. Mais aujourd’hui, Margaret est en vacances. Il ne faut pas penser à l’école, ni à l’agitation de la ville.
Il est dix heures du matin. Margaret est venue en avance faire la queue avec les autres enfants, et leur famille devant le magasin de jouet FAO Schwartz. Elle admire les poupées exposées en vitrine. On en trouve pour tous les goûts. La brune, la blonde, la rousse, celle avec de grands yeux timides, celle qui semble rêveuse, celle qui lance un sourire narquois. C’est alors qu’un valet vêtu d’un cape noire et rouge sort du magasin en ouvrant fièrement les portes vitrées du magasin. « Bienvenue à Fao Schwartz ! Votre magasin de jouet newyorkais est ouvert pour la journée ! » On entend un brouhaha dans la file. Les enfants accompagnés de leur famille entrent avec excitation et empressement. Margaret est venue seule. Son père lui a confié un billet de cent dollars pour son cadeau. Elle serre son poing sérieusement. Elle n’a pas intérêt à perdre son billet. Cette fameuse poupée dont elle rêve ! Cette magnifique poupée que son papa va lui offrir !
Margaret entre et parcourt les rayons. Elle ne sait où donner de la tête. Ici ce sont les voitures miniatures pour les garçons. Puis les costumes de carnaval, les jeux de construction, les épées en bois. Et le train miniature électrique qui parcourt New York. Tous les enfants s’arrêtent pour le contempler. Qu’il est majestueux ! On entend le klaxon du train ! Et il tourne sur les rails, inlassablement, brillant comme un sou neuf. Margaret ne trouve pas les poupées. Une vendeuse s’arrête pour lui demander si elle a besoin d’aide. « Je cherche une poupée ! » murmure Margaret avec humilité. Elle lui indique que c’est au troisième étage qu’elle trouvera « le cadeau de ses rêves ! » Margaret monte à toute allure. La voilà enfin dans son paradis. Les poupées s’alignent de long en large et de bas en haut sur les interminables étagères.
La voilà plongée dans un monde incroyable. Les centaines de poupées semblent s’animer. Elles tournent la tête, se regardent, se sourient. Elles conversent joyeusement, font tourner leur robe. Margaret est stupéfaite. Elle se prend de frayeur quand un gros chimpanzé tente de l’emporter de son bras. C’est King Kong ! Mais il se penche simplement pour lui tendre un baiser. Quand tout à coup, une vendeuse la sort de ses rêveries : « Avez-vous trouvé la poupée qu’il vous faut ? »
Margaret tend son billet de cent dollars à la caissière. Son cadeau est magnifique. Elle ne pourra l’admirer et la toucher que dans trois jours, la veille de Noël, le soir du 24 décembre. Elle sort de FAO Schwartz et rentre chez elle, le visage illuminé de bonheur.
Alan Alfredo Geday
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