Les astronautes de la mission Apollo 13 manquent d’oxygène. L’équipage du vaisseau spatial est au bord du gouffre. La NASA fait tout son possible pour ramener les trois Américains sains et saufs sur la terre ferme. Le chef d’équipage, Jim Lovell, en est à sa troisième mission, après celle de Gemini et d’Apollo. Les ingénieurs de l’agence spatiale travaillent jour et nuit sur les problèmes qui sont survenus dans le cadre de cette mission Apollo 13. Rappelons-le, il y a deux jours, le centre de contrôle a été alerté par Jim Lovell. Une explosion, dont personne ne connaît l’origine, a endommagé le module lunaire empêchant l’équipage d’alunir. L’équipage s’est vu donner une nouvelle mission : celle de tourner autour de la Lune pour être attrapé par la gravité de la Terre. Personne ne sait s’ils pourront rentrer. « La mission première est un échec, mais si nos courageux astronautes rentrent au pays, nous pourrons nous réjouir de cette réussite… » lit Marylin Lovell, la femme de l’astronaute, dans le quotidien ce matin.
Les hommes du vide disent que sur la Lune, ils n’ont découvert que des cendres et des cratères. En revanche, ils ont vu la magnificence et la beauté de l’astre sur lequel on vit : la Terre. Qu’elle est belle, qu’elle est infime dans le cosmos, qu’elle est proche du Soleil ! Ce qui pourrait être une leçon d’humilité est en réalité une victoire narcissique. Voir la Terre comme une poussière dans l’univers, c’est être plus grand que la poussière, plus puissant que tous ces semblables qui l’habitent. La lune est un objectif en partie symbolique, un objectif de dépassement, de repoussement des limites. Et si les Américains conquièrent la Lune, elle offrira de nombreuses opportunités technologiques aux générations futures. L’Amérique a besoin de cette aventure, elle la veut, elle la souhaite.
Marylin est inquiète. Son mari risque de mourir étouffé, à des centaines de milliers de kilomètres de chez lui, loin de sa femme et de ses quatre enfants, loin de ceux qui l’aiment et qui pensent à lui, non pas comme un astronaute au service de l’Amérique, mais comme un mari et un père aimant, celui qui aimait les bons petits plats et le cinéma. Marcher sur la Lune était un rêve pour Jim. Poser son pied sur la Lune et observer la Terre se lever dans la lueur du soleil, c’était un rêve d’enfant. Le voilà prisonnier dans son vaisseau, à la merci de sa propre nature, celle de respirer, espérant de l’oxygène pour revenir sain et sauf dans l’océan Pacifique. Marylin pleure. Au moins, Jim sera allé jusqu’au bout de l’aventure, sans faiblir et sans faillir. Il mourra peut-être pour sa passion. Il est resté de longues nuits éveillé à travailler, à réfléchir, à calculer pour en arriver à son grade de commandant de la mission. Il ne s’est préoccupé de rien de ce qui se passait sur Terre, il était déjà ailleurs, bien loin de ce qui révolutionnait la société entière. Ici, à Houston, aucun de ces hommes n’a vécu la guerre du Vietnam, la révolution des Panthères noires ou encore la folie de Woodstock. Ici, à Houston, l’homme voulait toucher le sol lunaire. Pas seulement une fois, mais plusieurs fois. Comme si la Lune leur appartenait, comme si on pouvait coloniser la Lune comme un champ de coton, comme si on pouvait y construire une maison en toute liberté.
La Lune est là. Elle miroite dans nos lacs, l’astre reflète la nuit sur Terre. Elle ne bougera jamais, mais l’homme est ambitieux. Il a été pris par la folie de voir ailleurs. Notre terre ne leur a pas suffi. L’homme a voulu voir plus loin, toujours plus haut. Les hommes attendent que l’équipage revienne sain et sauf, avec ou sans roche lunaire, que leur capsule plonge dans l’océan Pacifique. Ce serait une victoire, ce serait aussi un échec. La Terre est tellement belle pour la quitter, elle ne nous est pas hostile. Elle a la vie, elle est la vie, elle est l’eau, et l’eau est vie.
Ce matin, les invités et les ingénieurs qui entourent Marylin Lovell essayent de la réconforter. Il y a une semaine, Jim et Marylin s’embrassaient dans le jardin de la maison, elle lui disait au revoir, comme s’il allait partir simplement pour son travail, comme tous ces maris qui traversent le pays pour une conférence ou une réunion. Le temps est long, le temps est mortel.
Alan Alfredo Geday
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