C’est le 1er décembre. Les fêtes de Noël approchent. Le grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue s’apprête à ouvrir ses portes au public. L’établissement est connu pour vendre toutes sortes de jouets, de babioles, de puzzles, de trains électriques, de poupées, de peluches…Miss Vanderbilt est une cliente de prestige. Elle attend patiemment dans la file avec les autres familles quand un commissionnaire la repère. Miss Vanderbilt est une habituée du magasin de jouet. Et quand il s’agit d’un enfant de l’une des familles les plus riches de New York, on cherche à tout faire pour lui plaire. « Miss Vanderbilt, je ne pensais pas vous voir de sitôt ! » lui dit-il avec une grande politesse. « Le magasin ouvre ses portes dans deux minutes. Je vais vous accompagner lors de vos achats ! » continue-t-il avec courtoisie.
Le grand magasin de jouets ouvre enfin ses portes. La fillette entre, escortée par le commissionnaire. Derrière eux, les familles s’impatientent et se bousculent derrière le cordon rouge. Le signal est lancé, et les voilà qui se ruent dans l’établissement pour acheter les cadeaux de Noël. On ne sait où donner de la tête. Quelques tricycles rouges sont disposés à l’entrée, diffusant une odeur de caoutchouc neuf au milieu des effluves forestières du sapin central qui croule sous les boules dorées, les guirlandes à franges et les figurines : lutins, bonshommes de pain d’épice, personnages de Casse-Noisette ou Pinocchio articulé. Les ours en peluche accueillent les visiteurs enthousiastes d’un sourire naïf et d’un regard bienveillant, là-haut, remplissant le mur du hall. Il faudra un escabeau pour les montrer aux petits enfants. Les avions, les manèges et les pantins en bois sont exposés au deuxième étage. Les miniatures d’automobiles sont légion, et l’on peut contempler des Cadillac rutilantes, fières représentantes des dernières technologies du continent. Les poupées Flossy Flirt sont alignées sur une étagère un peu plus basse. Il s’agit de choisir parmi quatre tailles différentes. Les boîtes de puzzles sont empilées de ce côté du magasin. Enfin la machine à pédale Chrysler et la machine à vapeur Weeden sont disposées derrière une corde. Ce sont des jouets qui coûtent cher mais que l’ont peut « toucher avec les yeux », comme disent les parents.
— Que souhaitez-vous voir Miss Vanderbilt ? demande le commissionnaire.
— Il me faut cinq puzzles, répond gentiment la jeune demoiselle.
— Des puzzles, nous avons l’embarras du choix. Nous avons plusieurs genres de puzzles. Deux cents pièces, cinq cents pièces et mille pièces.
— Je veux deux puzzles cinq cents pièces et un mille pièces…s’il vous plait. Quels sont les thèmes ?
— En cinq cents pièces, nous avons l’Empire State Building et la Statue de la Liberté. En mille pièces, je ne suis pas très sûr, mais nous avons une nouveauté qui vient de sortir… Donnez-moi une minute, dit le commissionnaire en soulevant les boîtes. Voilà, j’ai trouvé, c’est un puzzle qui représente Time Square.
— Magnifique ! répond posément Miss Vanderbilt. Il me faut un taxi Amos et Andy pour mon frère.
— Je vois que vous êtes une fine connaisseuse. Vous regardez certainement l’émission Amos et Andy qui passe tous les soirs à la télévision.
— Mon frère adore cette émission télévisée. C’est son show préféré ! Il me faut aussi un chariot de ferme Studebaker !
— Vous savez que le chariot de ferme Studebaker est l’une des pièces les plus chères de ce magasin…
— Oui, je sais. Il me faut un Popeye Express et un Rolmonica. Mon frère aime jouer de la musique.
— Il a de la chance votre frère d’avoir une sœur comme vous…Nous allons emballer tout ça pour vous de ce pas. Je vous souhaite de très belles fêtes à l’avance à vous et à toute la famille Vanderbilt !
Les employés du magasin se dépêchent d’emballer les boîtes de Miss Vanderbilt. Le montant des achats sera réglé par Monsieur Vanderbilt ultérieurement. D’ailleurs, c’est lui qui a averti le magasin que sa fille allait passer aujourd’hui pour effectuer des achats de Noël. Miss Vanderbilt tend la main au commissionnaire : « Joyeux Noël à vous ! » Les employés déposent délicatement les jouets et les boîtes sur les avants-bras du commissionnaire qui sort du magasin avec la jeune demoiselle. À l’extérieur, une berline très luxueuse attend en double file. Le chauffeur sort de la voiture et ouvre le coffre : « Félicitations Miss Vanderbilt ! Vous avez effectué de très beaux achats ! » Le commissionnaire dépose tous les cadeaux dans le coffre. La voiture démarre au milieu des klaxons des taxis jaunes.
« Joyeux Noël encore une fois ! » hurle le commissionnaire en saluant la voiture qui disparait sur la Cinquième Avenue.
Alan Alfredo Geday
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