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Courtoisie et élégance, 1936


 

L’escrime existe depuis la nuit des temps. Dès que l’homme a su travailler le bois et le fer, il a fabriqué des armes pour se défendre et survivre. Les étudiants des universités d’Oxford et de Cambridge sont fiers de s’affronter aujourd’hui. Ils s’inscrivent dans une tradition presque éternelle. En effet, les combats sont ceux de la Grèce antique, quand il existait déjà de véritables maîtres d’armes. Influencés par les récits de l’Iliade, les organisateurs des premiers Jeux Olympiques, en 776 avant Jésus-Christ, inclurent l’escrime dans leur spectacle. Puis les conquérant romains transformèrent les Jeux olympiques grecs en jeux du cirque, avec plus d’émotion, de sauvagerie, des hommes contre des bêtes féroces, et des duels spectaculaires. On voulait du sang, des morts, de la violence brute. L’escrime est aussi l’art des chevaliers du Moyen Âge, quand les hommes soulevaient leur lourde épée pour attaquer l’ennemi, lors des croisades et des batailles. Mais c’est à la fin du XVIe siècle que les Italiens révolutionnèrent la discipline en apportant, dans ce monde de force, une pratique fine et souple. Les armes devinrent légères, et les combattants agiles apprirent à esquiver autant qu’à attaquer. Les cuirasses, les armures, les casques et les harnais disparurent. Les épées à deux mains firent leur apparition. Puis, à leur tour, elles furent oubliées pour laisser place à une arme longue et fine née en Espagne : la Rapière. La témérité fit place à la ruse, à l’astuce et à la finesse. Les hommes en appelaient à Dieu pour toute confrontation à l’épée. L’issue de l’affrontement était le jugement de Dieu, même s’ils ne pouvaient pas se battre sans l’autorisation du roi. Et peu à peu, les duels se transformèrent en un sport courtois et élégant. On pouvait s’affronter sans se battre à mort.

 

Les étudiants d’Oxford et de Cambridge aiment à s’inspirer de fameux héros. Nombreux sont les escrimeurs à avoir traversé l’Histoire, que ce soit des personnages de fiction ou des êtres de chair et d’os. Dans Les Trois Mousquetaires, d’Artagnan se bat pour des valeurs de fidélité et de bravoure, et il inspirera des générations en quête d’héroïsme. Alexandre Dumas est lui-même un excellent escrimeur et ses romans de cape et d’épée sont autant une réponse aux goûts de son époque que l’expression d’un idéal d’homme habile et courageux. Mais l’histoire nous montre que les armes n’ont pas toujours été tenues par des hommes. Certaines patriciennes combattaient dans les cirques de Rome et, au Moyen Âge, des tournois féminins s’organisaient déjà couramment en Italie et en Allemagne. « J’aurais mieux fait des armes si j’avais été femme », aimait à dire d’Éon de Beaumont. Le chevalier d’Éon était autant chevalier que chevalière, et le mystère demeura sur son genre jusqu’à son autopsie. Le chirurgien s’exclama, heureux de résoudre l’énigme : « C’est un homme ! » Mais dans les universités d’Oxford et de Cambridge, les femmes qui se battent sont rares. Même si les Jeux olympiques permettent le duel féminin à partir de 1924, peu nombreuses sont celles qui sont encouragées à pratiquer cette discipline.

 

Sur la pelouse de l’université de Cambridge, les étudiants commentent le duel d’Andrew et Charles :

— La contre-riposte d’Andrew est spectaculaire !

— C’est un vrai d’Artagnan…

— Moi, je trouve qu’il manque d’agilité, il ne fléchit presque jamais les jambes.

— Excellent ! Regarde cette fente de Charles et cette poussée explosive de la jambe arrière.

— Son talon a bien rasé le sol.

 

Alan Alfredo Geday

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