Les marins de l’Exeter, un navire de la British Royal Navy, se lèvent ce matin dans la fumée des bombardements. Cette nuit, ils ont coulé un bateau du Troisième Reich, et cela sans le soutien tant attendu de la Royal Air Force. La tempête empêchait les bombardiers d'agir, et les marins avaient dû se débrouiller tout seuls. Les tirs fusaient au-dessus de leur tête, la pluie détrempait le sol et leur obscurcissait la vue, c'était un enfer qui ne semblait vouloir finir. William est encore ébranlé par la violence de la nuit. Il serre son chat fort contre lui. Jusqu'à l'aube, la pauvre bête courait en tous sens sur le ponton, affolée par le tir des canons. Mais ce matin, le ciel est bleu, et le navire allemand submergé, caché quelque part sous la mer huileuse. Les marins de l'Exeter sont ravis, ils seront honorés tout à l'heure par la visite du Premier ministre en personne, Winston Churchill.
Le chat de William était présent lors de cette visite. Son chat a eu une lourde mission à réaliser ainsi que des tâches difficiles à accomplir. « Tu as bien fait, tu as très bien fait », chuchote le marin dans l’oreille de son chat. Son chat était chargé de la lutte antiparasitaire du navire et de chasser les souris et les rats qui se nichent dans les dépôts chauds du navire. Ces pestes peuvent s’attaquer aux denrées et transmettre des maladies, sans compter qu’ils rongent les cordes et la coque du bateau. Sur un navire de guerre, leur présence est un fléau. En revanche, William a trouvé le meilleur des compagnons pour naviguer. Un chat ! Il dort avec lui, se réveille à ses côtés. Son chat ne le quitte jamais. Les deux amis se sont vite apprivoisés et ne se connaissent pas depuis bien longtemps. Cette pratique existait déjà depuis le temps de l’ancienne Égypte, il y a plus de 8000 ans. Les chats ont toujours été de parfaits compagnons pour les Égyptiens qui naviguaient sur le Nil. William n’aime pas tous les animaux. Il se méfie des mouettes qui représentent, selon lui, l’âme d’un mort. Il déteste également les lapins. D’ailleurs, aucun marin n’est autorisé à parler de lapin à bord du bateau. Sur un bateau, ça porte malheur, et si l’on veut parler de cet animal, on parle alors « d’un animal aux grandes oreilles ». Pour William, son chat est son meilleur allié. Il ne porte pas vraiment de nom, mais il répond aux sifflements de William.
Après cette bataille, William souhaite nommer son chat pour en faire un membre de l’équipage à part entière. Le félin n’a pas perdu l’ouïe malgré les coups de canon. Il s’approche toujours quand William le siffle. « Il faut toujours nommer les animaux avec un i à la fin ! Ils n’entendent que les sons aigus », l’a informé l’un de ses coéquipiers. Quel nom pourrait-il lui donner ? Victory, c’est parfait ! Il appellerait son chat Victory au nom de la victoire contre les Allemands. C’est un nom que son chat est prêt à assumer. Quand on s’appelle Victory, on a de l’allure et de la stature. Sur le dock, William baptise son chat « Victory ». Et le voilà de nouveau en mission, tout fier et orgueilleux, à la recherche de la moindre souris dans les épaves du navire.
Alan Alfredo Geday